Marathon de New York 2011 : épisode 2 de la première saison

Si vous prenez la série en cours de route peut être devriez vous commencer par le début à savoir les objectifs ou attaquer par le premier épisode.

Staten Island (1er burough) au pied du pont de Verrazano 

Nous sommes appelés dès 10 heures à rejoindre l’entrée des sas (appelés corrals) pour le départ, prévu à 10h40, de la dernière vague (environ 15 000 coureurs). Alors que les sacs avec nos vêtements de rechange ont été déposés à 9h30 dans les camions UPS, j’ai encore 2 vieux pulls (merci Alexandre pour ton leg) pour me protéger du froid que je dois laisser aux bénévoles pour que ceux-ci les distribuent à des SDF de New York. C’est le deal : il nous a clairement été signifié que tout vêtement jeté dans le sas ou sur le début du parcours ne serait pas collecté pour l’association chargée de les redistribuer. En conséquence nous nous exécutons et laissons nos vieux vêtements chauds avant de nous orienter en tenue légère en direction des portes grillagées situées à 200 mètres, faisant office d’entrée de sas. Il reste 40 minutes à nous geler avec une température aux alentours de 10 degrés avec un petit vent frais qui vient de se lever pour terminer de me transformer en glaçon.

A l’entrée du sas

Nous sommes au pied du pont de Verrazano, finalement aux premières loges, pour assister au départ de la vague 2. Nous entendons le speaker s’adresser aux coureurs en place pour ponctuer le timing du départ. Il est 10h15 et le speaker lance « Are you ready to run? » BOOM, coup de canon. La vague 2 s’élance sur les premières notes de la mélodie de « New York New York » interprétée par Frank Sinatra : « start spreading the news, I am leaving today, I want to be a part of it… New York New York … ».

Et les premières paroles de la chanson me rappellent aussi combien, nous aussi, on veut en être de la course … car je me gèle 😉

Une trentaine de minutes s’écoulent, avec une furieuse envie d’en découdre.

Dans le sas

Enfin bientôt le départ

Il est 10h30, le grillage du sas s’ouvre. Nous sommes précédés par une escorte de bénévoles bras dessus bras dessous nous guidant jusqu’à la ligne de départ. Et là je n’en crois pas mes yeux ! Notre sas a été ouvert en premier si bien que je me retrouve sur le deuxième rang de la ligne de départ qui est situé sur un banal échangeur d’autoroute dont la largeur doit être à peine d’une dizaine de mètres. Derrière moi il y a 5000 coureurs correspondant au groupe des dossards verts, les 10 000 autres coureurs de ma vague étant équi-répartis sur les deux autres groupes de couleurs (orange et bleu). Ces derniers prennent le départ, contrairement à nous,  sur le tablier supérieur du pont de Verrazano.

En fait j’ai l’impression de prendre part au départ d’une course interdépartementale, même au 10 km du 10 ième arrondissement de Paris en juin dernier il y avait beaucoup plus de monde devant moi. Je suis extrêmement fébrile à l’idée de passer sur le tapis situé à 1 mètre de moi au Gun Start sans aucun lag avec un vrai boulevard désert devant moi.

Top départ

10h45

”Are you ready to run?” BOOM. C’est parti. Je laisse derrière moi la dernière enceinte égrener la chanson de Sinatra dont je n’entendrai que des bribes…

C’est parti pour un début de course surréaliste. Moi qui avais projeté être perdu dans une masse de coureurs au départ d’un grand marathon… je me retrouve avec une dizaine d’autres coureurs, seul, sur le tablier inférieur du pont de Verrazano. J’ai compté, il y a devant moi 7 coureurs partis à une allure supérieure à 4.30/Km. On commence par la fameuse grimpette (le plus fort dénivelé de tout le parcours) que je cours tranquillement pour me chauffer les jambes en 5.11 min/km. Je suis extrêmement surpris de n’être rejoint par personne étant donné mon allure très modeste. Cela dit il faut noter que les coureurs de la vague 3 sont des coureurs qui à l’inscription ont déclaré un temps supérieur à 4 heures (je me retrouve en vague 3 pour avoir déclaré courir mon dernier –  et premier – marathon en 4h55 malgré tous les avatars auxquels j’ai dû faire face).

Au bout d’un km notre groupe de tête s’effiloche déjà. Devant moi à 50 mètres un italien, le coureur qui me suit doit se trouver à plus de 20 mètres.

Je cours le deuxième kilomètre en descendant le pont en 4.44 min/km. Et nous allons entrer dans Brooklyn.

Brooklyn (Km 3 au Km14) : sur un tapis volant

Probablement la partie la plus intense émotionnellement de tout le marathon. La traversée de ce 2ième burough (après Staten Island) est extraordinaire. C’est le premier contact avec le public, et quel public !

Dans un premier temps je suis embarrassé car je suis le seul coureur que le public a à se mettre sous la dent, or je ne suis qu’un coureur quelconque. Je suis très gêné d’avoir toutes ces paires d’yeux fixées sur moi. Je rappelle que j’ai fait inscrire mon prénom en gros sur mon T-shirt d’apparat et j’entends « Go Grégory Go ! » toutes les 5 secondes…Devant moi les avenues de Brooklyn se déroulent désertiques….je vole, c’est du velours.

Je regarde les personnes qui m’encouragent, je salue du bras, ou au minimum lève le pouce en signe de remerciement. Je ne sais pas où donner de la tête.

Du km 3 au Km 10 je vais courir à une moyenne de 4.44 min/km. C’est beaucoup trop rapide pour moi. Sur l’ensemble du marathon je ne devrais pas passer en dessous des 5 min/km. Il faut que je me freine, mais je n’y arrive pas, le public est incroyable, il m’insuffle une surprenante énergie.

Enfin vers le 7ième kilomètre je rattrape les derniers coureurs de la vague 2. Je ne suis plus seul et petit à petit je me retrouverai avec les coureurs de cette vague pour finalement me fondre dans le peloton. Les trois grappes de coureurs (bleu, orange et vertes) se rejoindront au km 12.8 (soit le 8ième Miles cf. haut du schéma ci dessous) après avoir couru sur 3 couloirs parallèles.

Plan de la traversée de Brooklyn et visualisation des 3 lignes de coureurs identifiées par trois couleurs. A noter que la ligne verte est la seule à emprunter une bifurcation en début de parcours avant de rejoindre les deux autres lignes peu après le Km 5. Ouf, on se sent alors moins seul ! (les chiffres dans les carrés sont en miles, ceux dans les carrés surmontés d’un triangle sont exprimés dans notre système métrique). 

Toujours Brooklyn en direction du Queens (Km 14 au Km 21) :

Je vais passer le semi en 1 h 44, ce n’était prévu c’est trop rapide. Comment en suis-je arrivé là ?

C’est de la folie, le public se fait toujours plus dense le long des avenues et je ne sens toujours pas mes jambes. Des enfants me tendent le bras, je tape dans leur main. Encore des « Gregory » « Go Gregory » « Gregory you’re looking good » « Good Job Gregory ». C’est très poignant, parfois j’ai la gorge qui me sert, j’ai envie de lâcher prise, d’éclater en sanglot… d’aucun dirait que c’est de la sensiblerie ? Je m’en tape, je suis en parfaite osmose avec le public, j’ai envie de m’amuser avec lui, de lui rendre ce qu’il nous donne. Impossible pour moi d’être indifférent. Il me donne, alors je me dois de lui rendre, quoi qu’il m’en coûte en énergie. En fait il me donne le centuple de ce que je suis capable de rendre ! Sur Bedford Avenue je souris. J’entends même quelqu’un me crier un « Happy Gregory ». Oui je ressens une vraie sensation d’euphorie, quelque chose que je n’ai ressenti sur aucune autre course.

Bien sûr je sais bien au fond de moi que cela ne peut pas durer jusqu’à la fin. La machine va se gripper c’est sûr. Mais profitons de l’instant présent, je suis là pour ça ! JUST HAVE FUN.

A suivre…épisode 3

Coupure publicitaire made in Times Square.

12 réflexions sur “Marathon de New York 2011 : épisode 2 de la première saison

  1. Faire près de 7km seul sur un GRAND marathon. A être acclamé comme si tu étais le 1° ! Cela doit faire quelque chose !!
    Je trouve tout à fait normal de rendre au public ce qu’il nous donne. J’adore faire des « check » aux enfants !
    1h44 au semi, le public t’a vraiment porté !!

    J’aime bien les couleurs de la photo. Vraiment sympa !

    1. Merci Maya.
      Pour la photo : prise à Times Square la veille à l’aube, je voulais m’acclimater au fait d’être éveillé à 5 heures du matin pour l’épreuve qui m’attendait le lendemain.

  2. J’en ai encore la chair de poule chaque fois que j’y repense. Comme quoi le hasard peut parfois bien faire les choses. La probabilité que je cours ce marathon dans ces conditions est désormais nulle puisque je suis abonné désormais à la première vague lors d’une prochaine inscription (l’organisation checke ton temps dans leur base de données sur tes courses précédentes pour ta future affectation à une vague). Et là je serai au coeur d’un très gros peloton dès le départ.

  3. Quels contrastes !
    entre le départ presque seul, puis la foule en délire qui crie ton prénom. Je comprends que le semi soit vite passé.
    Vite la suite…

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  7. Dingue !!! Ca devait être extraordinaire de courir dans ces conditions !! Toutes ces personnes qui t’encouragent et te portent ! Les frissons ne peuvent que t’accompagner, ça devait être super fort !

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