Récit de course : L’Ultra de la Trans Aubrac 2019. Les surprises ne sont pas forcément là où on les attend.

C’est avec un entraînement minimaliste que j’envisage de prendre le départ de cet Ultra Trans Aubrac de 105 kms et 3400 mètres de dénivelés.Il s’agit de ma cinquième participation consécutive et quand j’aime, je ne compte pas et je prends un abonnement. Et puis en tant que mascotte de la course l’année dernière (c’est moi sur les affiches !) je ne peux pas me permettre d’y déroger ni de changer ma tenue de Schtroumpf bleue (un bleu squadra azzura pour les tifosis) qui m’accompagne sur tous mes trails. Lire mes récits 2015 / 2016 / 2017 et 2018 parce que c’est sûr, vous n’avez rien d’autres à faire.

C’est bien Schtroumpf bleu, votre serviteur, sur la photo !

En ce qui concerne mon niveau de préparation pour l’édition 2019 je cumule un volume d’entraînement qui est le plus faible de ces 5 dernières années. On peut néanmoins arguer le fait que je ne suis pas fatigué puisque mes muscles sont reposés, ça c’est sûr ! Il était inutile d’initier une semaine de tapering comme j’en ai l’habitude. Je rappelle pour les nouveaux que la période de tapering ou d’affûtage désigne les jours précédents l’épreuve où le sportif baisse fortement la charge ou volume de kilo(mètres) d’entraînement permettant au corps de surcompenser  pour se retrouver à un niveau d’état de forme supérieur à celui du pré entraînement. Or dans mon cas très spécifique de papa de jumeaux de 20 mois on va dire que je suis une période d’affûtage quasi ininterrompue depuis le début de l’année c’est à dire une absence certaine de séances de CAP ! Alors quelle performance attendre sur cette Trans Aubrac ? Il va sans dire qu’en terme d’espérance de chrono la fameuse citation « sur un malentendu tout est possible » ne fonctionne généralement pas dans le domaine sportif.

Alors ce n’est non pas en rêvant de chrono mais plutôt en songeant à la dégustation des bonnes spécialités du Café Bras ou des chocolats d’Agnès et Pierre que je me rends en Aveyron le vendredi 19 avril 2019 veille de la course. Je suis donc mon rituel : déjeuner au Café Bras, dégustation de chocolats, retour au Café Bras pour des pâtisseries et un thé à 15 heures. A noter que je fais une sieste (digestive ?) dans la voiture de loc. devant la cathédrale après le déjeuner ce qui ne m’était jamais arrivé. Je quitte Rodez en fin d’AM pour me retrouver à Saint Geniez d’Olt pour poser mes bagages et retirer mon dossard au gymnase. Que c’est beau St Geniez, un des « plus beaux village de France » comme l’indique la pancarte à l’entrée de la commune. Oui je confirme. Ce n’est pas tout mais après toutes ces pérégrinations j’ai faim et je m’attable dans la crêperie Antoinette (d’accord je ne suis pas en Bretagne mais ici on sait faire de la pâte à farçou ou pascade c’est pareil mais en mieux). Et puis après c’est dodo car il faut se réveiller à 3h30 du matin pour prendre la navette à 4h30 pour prendre le départ à 6 heures au château de Bertholène. Je connais tellement bien le programme que je n’ai plus besoin de le lire. Et cette fois je n’oublierai pas mon dossard (cf. X-Alpine 2018). 
Il est 6 heures dans l’attente du top départ. La température est idéale (mais je me caille grave !) et je me positionne derrière les élites dans l’espoir d’être aspiré dans leur sillage : comme c’est bon de rire parfois ! Quand on est désentrainé on essaie de mettre toutes les chances de son côté. La température est idéale, ciel limpide qui laisse entrevoir l’aube…limite on n’a pas envie de sortir la frontale. Erreur que je ne commets pas. Je pars assez rapidement et curieusement je ressens d’assez bonnes sensations. C’est fou, je cours même dans les petits faux plats montants alors que d’habitude je me repose déjà. Dans un single track bien boueux qui longe un barbelé je sens que je suis accroché mais je m’arrache sans prêter attention. Sans me rendre compte que je viens d’y laisser mon dossard. C’est environ 20 minutes plus tard qu’un concurrent arrive à mon niveau en me disant que j’ai oublié sur le chemin quelque chose d’important qu’il tient en main à savoir mon dossard sur lequel est attaché la puce de chronométrage. C’est ça l’esprit Trail : on trouve un dossard d’un concurrent attaché à un barbelé et on le fait remonter de coureur en coureur courant plus vite que soi pour rattraper le malheureux Grégo qui ne s’est rendu compte de rien. Merci à tous ces traileurs que je ne connais pas qui m’ont donné ce coup de main.
Et j’arrive à St Come d’Olt en un temps record pour moi en 5 participations. Je me rends à l’évidence, je suis parti trop vite ce qui n’est pas du tout dans mes habitudes. La remontada sera enrayée à un moment donné. J’en profite pour prendre une petite photo avec une gilet jaune histoire de brouiller les pistes quant à mon image sur les réseaux sociaux.

Une gilet jaune avec un bonnet jaune.


Et puis il est temps de repartir après environ 10/15 minutes d’arrêt : remplissage des flasques au coca aveyronnais (je suis parti flasques vides), projet de tartinage de crème solaire sur toutes les parties de peau qui dépassent, badgeage de mon dossard en prenant grand soin de noter la mention suivante sur ma « to do liste » : « Impérativement vérifier qu’il reste de la crème solaire dans le tube quand on prépare son sac de trail ». C’est donc bien apprêté pour me faire griller au soleil que je quitte St Côme d’Olt.
C’est la partie la plus difficile de cet Ultra : des sous bois, des montées, beaucoup de faux plats casse pattes. C’est pire selon moi qu’une bonne montée de 1500 mètres de dénivelés one shot dans les Alpes. Avis perso. Et très grosse contrariété je m’aperçois sur l’appli Livetrail que mon pointage à St Côme n’a pas été enregistré !! Bref en l’état je suis toujours selon les radars entre le départ et St Côme. Antant le dire je suis rouge colère ! Je suis furieux si bien que cela me mets un coup de boost pour arriver au pointage suivant et réapparaître sur les écrans.
A Laguiole au ravito / gymnase alors que je suis en train de refaire mon sac poubelle contenant les affaires de rechanges (pour moi réduit à un tupperware de biscuits fait maison) je me fais accoster par une jeune femme qui me reconnaît dans ma panoplie et me dit qu’elle aime bien mes articles et que c’est grâce à moi qu’elle est ici ! Et quant à moi dans ma tenue bleue toujours aussi seyante (mais c’est à cela qu’elle m’a reconnu), la bouche pleine de sucrerie et le corps en sueur je la remercie pour sa gentillesse.
Départ pour la plus belle portion de cet Ultra : les plateaux de l’Aubrac. Le ciel est couvert nous ne verrons aucun rayon de soleil mais tant mieux pour les coureurs que nous sommes. Nous ne souffrons pas trop. En revanche le parcours est sensiblement modifié. On ne passe plus au point culminant traditionnel où j’ai l’habitude de jouer au goêland bleu. C’est triste. Etrange ce parcours qui longe une ligne électrique dans un champs de bruyères, très difficile cette montée sous une remontée mécanique pour arriver au pylône des antennes télé ou GSM de l’Aubrac. Bon c’est un peu moins beau que d’habitude mais on s’y fera pour les prochaines éditions et puis le reste du parcours vaut toujours le coup…et notamment le ravito du Buron des Bouals. C’est le ravito 3 étoiles au sens propre car préparé par un ancien chef pâtissier du restaurant de la famille Bras. C’est toujours énormément bon et beau. Certes on a toujours l’estomac un peu brassé après 75 kms et on ne peut pas en profiter à sa juste valeur mais quand même quel plaisir ! Merci à vous tous les bénévoles et autres chefs cuistots du buron des Bouals.
Je décide de repartir rapidement avant de me transformer en bibendum et de devoir terminer la course en roulant plutôt qu’en courant. J’attaque la dernière partie, vers la descente.
Et il se met à pleuvoir des cordes une fois arrivé dans le sous bois. C’est juste terrible, le sous bois est déjà détrempé. Toujours cette partie qui ressemble aux rizières du Mékong. Je suis scotché et me mets à marcher, je me ferai déposer par plusieurs coureurs qui n’ont pas l’air d’être ennuyé par la pluie et l’humidité. Je déteste cette atmosphère, je préfère encore la grêle ou la neige.
Je mets ma lampe frontale juste avant la toute dernière descente vers St Geniez d’Olt…toujours cette fin de parcours (dernier km) ubuesque autour du camping dont les résidents nous regardent autour de leur barbecue avant que nous n’en finissions dans le gymnase.
Ça y est, je termine vite, vite… je prends le cadeau finisher qui est un bock de bière et son breuvage ; pas vraiment le cadeau idéal pour moi qui ne boit pas une goutte d’alcool depuis 15 ans. Ce gymnase est une ruche de plusieurs centaines de personnes et transformé en hammam… alors cette année je troque mon aligot saucisse offert aux finishers pour une crêpe aux gésiers de canard de chez Antoinette où nous sommes moins de 10 personnes. Comme quoi les traditions se perdent au fil des années.

Pas beau temps mais c’est beau.

Je termine cet UTA en 15h05 (cote ITRA 540) en 51 ième position soit 19% des finishers et 17% des V1H sur une course qui a enregistré un taux d’abandons de 32%. C’est mon deuxième meilleur chrono en 5 participations et mon plus faible volume d’entraînement. Comme quoi même la logique se perd. Tout fout l’camp.

Récit : les 105 kms de l’Ultra Trans Aubrac 2018

Le récit le voilà, pour une épreuve que j’apprécie tout particulièrement car se déroulant au cœur d’un paysage hors norme et probablement un des plus beaux de France : les plateaux de l’Aubrac.

C’est mon quatrième périple consécutif en Aveyron, et comme je suis un homme qui apprécie les processus qui marchent, j’applique à la lettre exactement le même modus operandi que les trois années précédentes (récits 2015  2016 et 2017).

Vendredi 20 avril 2018 : une belle journée à Rodez

Arrivée par avion, puis voiture de location en direction de Rodez pour une petite ballade matinale, histoire de passer le temps, flâner et attendre 12h30 pour aller passer un GRAND moment au Café Bras qui jouxte le musée Soulages.  Un déjeuner juste exceptionnel dans un endroit qui ne l’est pas moins…pour un prix incroyable. C’est un vrai OVNI cet établissement. Oui le café Bras fait bien parti de l’univers de la famille Bras dont le restaurant triple étoilé (qui a rendu ses étoiles cette année) est situé à Laguiole, plus au nord.

Après le déjeuner je file sur la place de la Cité pour aller déguster des bonbons de chocolat chez un chocolatier incroyable (encore une fois un OVNI !) : Agnès et Pierre. Je suis bluffé par la qualité de leurs pralinés. J’en déguste pas loin de 10 dont la moitié d’une barre praliné noisette à tomber à la renverse. Et je suis désolé de dire que je trouve ce chocolatier meilleur qu’Yves Thuriès (MOF pourtant) situé à quelques encablures de là…

Et à 15h30, je retourne à Café Bras, cette fois pour le tea time. Ben oui ! Je suis quelqu’un d’endurant et je n’ai pas fini de reconstituer mes réserves de glycogène. Pour le tea time je prends un chocolat chaud à base de chocolat Weiss (le grand chocolatier stéphanois) et une pascade sucrée à la fraise gariguette (youpiiii).

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Bon et puis quand faut y aller, faut y aller. Direction Saint Geniez d’Olt pour poser mes valises et chaussures de runnings. Dans la voiture de location je me prends la tête à régler la voix du GPS qui couvre celle de la radio lorsque la voix synthétique m’annonce un croisement. C’est pénible ! Et justement en parlant de voix synthétique je tombe sur une émission du magazine La méthode scientifique sur France Culture, à propos des 50 ans du film de Kubrick 2001 l’Odyssée de l’Espace. Débat génial d’un grand film qui abordait déjà le thème de l’Intelligence Artificielle (la voix de Hal c’est autre chose que la voix de ce p…. de GPS) qui se conclut sur l’interprétation de ce fameux monolithe que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le film. Alors ce monolithe il est le symbole de quoi ? Pas de réponse unique… allez voir et revoir ce film qui figure dans mon Top Ten ever.

De fil en aiguille j’arrive à Saint Geniez d’Olt à la résidence vacances du château Ricard sinon rien. Je me rends au gymnase d’arrivée de la course pour récupérer le dossard, sans passer par la case « remise de la dotation » (une bouteille de bière et je ne bois pas une goutte d’alcool depuis plus de 10 ans).

Au retour, en traversant le pont, j’ai l’heureuse surprise de croiser un ami guatémaltèque Gabriel B. qui s’est inscrit à la Trans Aubrac en lisant mes récits sur le blog. Aïe aïe aïe je suis embarrassé, de même qu’il est déconseillé de faire des affaires avec des amis, je crains que mon ami ne se mette à me maudire dès le lendemain, quelque part entre Laguiole et Aubrac lorsqu’il aura les pieds englués dans les tourbières !

Des sensations pas terribles 

Bon autant se l’avouer, je me sens fatigué (depuis une semaine) depuis la matinée. Une sensation d’avoir la tête lourde comme si elle était prise dans un étau. Une envie omniprésente durant toute la journée d’aller faire une bonne sieste, mais une envie contrariée par un chronogramme chargé et le besoin de profiter de tout. Je rate malgré cela l’expo temporaire sur Le Corbusier au musée Soulages, mon estomac ayant eu raison de mes envies de me cultiver. Cela sera remis à dimanche.

Pasta Party carbonara pour une carbo loading :

J’ai l’habitude désormais d’aller me restaurer à La Louve et de me charger d’un bon plat de tagliatelles (svp arrêtez de prononcer le « g » qui est muet en italien), carbonara à la française (svp arrêtez de mettre de la crème fraîche, y’en a pas dans la vraie carbo en Italie !). Mais il faut dire qu’elle atteint très bien son objectif cette carbo française et le restau est bien sympa avec une terrasse agréable. Je me lève difficilement de table vers 21 heures, cette fois avec non seulement cette sensation d’étau autour de la tête mais aussi la sensation d’un estomac tendu comme une corde de guitare.  Je ressens comme une légère déprime à l’idée que manifestement rien n’aura changé d’ici 6 heures du matin. Et c’est tel le dépressif qui a besoin de se réfugier dans quelque chose qui le réconforte que je me mets à boulotter 5 financiers home made que j’ingurgite dégustés à la va-vite en guise de dessert dans ma chambre. Je me dis que la digestion va être difficile et que je viens un peu de me tirer une balle dans le pied. L’idée que grâce à cette journée « gastro » mes réserves de glycogène devraient être au top est insuffisante pour réellement me redonner le moral. Je me couche, m’endors très vite (je suis claqué je vous dis !) et me réveille à 3h15.

Un matin chagrin :

Bon et bien c’est l’heure de vérité. Le baromètre de mon état de forme de la journée est de faire mon exercice (mon WOD) de 100 pompes au réveil. Résultat du jour ? Et bien ce n’est pas la cata, mais ce n’est pas terrible. Je l’exécute en 40/20/20/10/10 là où l’année dernière à la même heure, même lieu et même carbonara, je l’avais exécuté en 60/30/10. Je prends ma douche froide, enfile ma panoplie de Schtroumpf et me rends au gymnase pour prendre la navette qui doit partir à 4h15. Il fait un peu frisquette en attendant la navette qui n’est toujours pas là à … 4h30 ! Bon finalement on arrive à Bertholène environ 45 minutes avant le départ. J’y retrouve Gabriel B., production de selfies et tout et tout. Mais je le perds de vue avant l’ascension vers la ligne de départ.

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Top départ :

C’est parti à 6h10 lors du déclenchement du feu d’artifice qui embrase le château. Je suis parti dans le ventre mou avec le ventre vide (je n’ai rien mangé depuis la veille). Le ciel est magnifiquement étoilé et l’on sent que l’aube n’est pas loin. Cette première partie est toujours très roulante. Je ne me sens pas terrible, la fatigue est omniprésente, je rêve même de faire une petite sieste ! Je mets un pied devant l’autre et profite du paysage qui est éclairé au fur et à mesure de l’ascension du soleil à l’horizon. Bon il faut se faire à l’idée : il s’agit de ce que l’on appelle un « jour sans », il n’y a pas eu de miracle : les sensations de ma semaine de tapering très inférieures à celle de l’année dernière sont confirmées aujourd’hui. Et c’est ainsi que j’arrive à Saint Côme d’Olt en mode touriste qui prend des photos.

 

Ravito Saint Côme d’Olt =>> pointage à la sortie après 3h05 (soit 1 minute de mieux qu’en 2017)

Au ravito je ne perds pas de temps, je remplis les flasques d’un mélange coca aveyronnais / eau, et je me mets de l’écran total sur tous les bouts de peau qui dépassent. C’est reparti pour la partie la plus ingrate de cette Trans Aubrac : la partie St Côme / Laguiole. Ingrate car le paysage n’est pas le plus beau, il y a beaucoup de bitume et l’organisme encaisse les rayons d’un soleil assez cuisant, si bien qu’en général on arrive au gymnase de Laguiole transformé en cour des miracles car c’est là qu’est concentré le plus grand nombre d’abandons.

Alors il faut trouver des stratégies pour permettre de passer cette partie St Côme / Laguiole de la manière la plus agréable possible.

Les miennes :

1ère stratégie :  Discuter avec des traileurs : je partage quelques minutes avec la mascotte de cet UTA qui a couru 10 éditions sur les 11 que compte cette épreuve. Ce coureur tout le monde le connaît (non ce n’est pas Raffion ! Il ne la courait pas cette année) car il a un physique très reconnaissable : un traileur de très grande taille avec un petit short et surtout de très longs cheveux en coupe rasta.

2ième stratégie : Des musiques dans la tête : je précise que je ne cours jamais avec un casque ou des oreillettes. Mais dans ma tête il y a un vrai juke box, qui de manière aléatoire me diffuse des ritournelles de quelques secondes en boucles. Oui je sais au bout d’un moment on a envie d’éteindre le cerveau sauf qu’il n’existe aucun bouton, à moins de se jeter la tête la première contre un mur. A éviter.

3ième stratégie : Des pensées / réflexions (forcément profondes) me traversent l’esprit : Et me revient cette question existentielle qui me taraude depuis le débat entendu sur France Culture la veille : « Quelle est la signification de ce monolithe dans 2001 l’Odyssée de l’Espace » ?

(Mais qui a dit que mon blog n’était pas un blog culturel ?)

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Abbaye de Bonneval

Et puis au bout d’un moment mon estomac me rappelle à l’ordre. J’ai faim ! Il est l’heure, environ midi, de passer à table et j’ai prévu d’avoir sur moi des barres faites maison conçues avec du riz soufflé / sarrasin / gingembre / confit d’orange / pignons de pins torréfiés le tout enrobé de caramel glucosé etc… Pour la recette dont je me suis inspiré c’est là. C’est la première fois que je mange ce type de barres et c’est une bombe. Je vais faire breveter.

Cela cogne très très dur à l’approche de Laguiole mais voilà enfin le village qui se profile. Il est aux alentours de 13h40. Là je m’aperçois que j’ai 20 minutes de retard par rapport à l’année dernière.

Au ravito je suis très efficace : je prends mon sac, ouvre ma boîte de financiers, j’engloutis les 5 gros financiers qui s’y trouvent toujours « home made of course » (dont l’un au thé vert matcha génial). Je me pommade d’écran total sur toute la peau qui dépasse. Puis je me tourne vers le buffet du ravito pour remplir mes flasques et boire trois gobelets de coca aveyronnais coupé d’eau. Et il est temps d’y aller : Go !

Ravito Laguiole au km 55 =>> pointage à la sortie après 7h56 de course (soit 17 minutes de retard vs 2017). Il est 13h56.

Et voici que commence la plus belle partie de cette Trans Aubrac. La montée vers les plateaux de l’Aubrac. Cela ne tape pas trop car un petit vent frais nous rafraîchit. Cela me fait presque regretter mon manque de condition physique car franchement non, je ne peux pas dire que la chaleur soit un obstacle ! En revanche je ressens toujours ce casque sur la tête, cette sensation de fatigue et l’envie d’aller faire une petite sieste : cela ne m’a pas quitté depuis 24 heures. Je me souviens l’année dernière avoir couru dans cette légère montée alors qu’aujourd’hui je suis scotché au sol marchant rapidement certes, mais avec le style d’un randonneur…. Il est clair que je ne suis pas dans un pic de forme et que j’ai mal géré la récupération de mon entraînement/. J’y reviendrai plus tard pour le debrief…

A quelques kilomètres de la station de ski je constate un changement de parcours par rapport aux éditions précédentes. On longe désormais une barrière sur notre gauche qui donne sur un magnifique point de vue : plateau et chaîne de montagne enneigée. Sachant que mon chrono ne sera pas terrible je décide de prendre mon temps et d’allumer mon smartphone pour prendre des photos. Mais alors que je continue à courir marcher rapidement tout en regardant le panorama, je trébuche et m’étale de tout mon long sur un tapis d’herbe très moelleux. Le voilà mon matelas de sieste !!! C’est une partie de la Trans Aubrac très agréable et qui permet de reprendre son souffle…enfin pour ceux qui ont envie de s’arracher, ce qui n’est pas vraiment mon cas. Moi je suis plutôt à la recherche de spots pour prendre des photos.

Bien entendu il y a le fameux point culminant de cette Trans Aubrac où je me fais prendre en photo systématiquement, il y a deux ans par mon épouse, l’année dernière par un pro qui a exploité la photo pour le site web de l’UTA. Youpiii a star is born, mais en tenue de Schtroumpf. Cette année je demande au traileur qui me suit s’il a la bonté de me prendre en photo, ce qu’il accepte (c’est ça « l’esprit trail » !). Trop sympa le gars. Ensuite il me demande de lui rendre la pareille avec son appareil…zut, je le trouve gonflé le gars. Moi je trouve que « l’esprit trail » a ses limites quand même. Et puis j’ai jamais prétendu que j’étais un gars sympa 😉 Bon allez, dans un (tout) petit élan de bonté je le prends en photo en mode paysage et portrait (je suis trop bon). Serais-je investi, à mon corps défendant, par cet « esprit trail » ?

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Puis j’attends avec impatience le plus beau, le plus surréaliste, le plus exquis des ravitos de course qu’il m’ait été de connaître : celui du Buron des Bouals au km 78. Incroyable ravito où un festin nous attend chaque année, concocté par un Chef qui a fait ses classes chez…Bras !  Je rêve des farçous découverts l’année dernière. Ben oui je me suis réinscrit cette année pour ce ravito qui vaut largement le prix du dossard ! Mais il faut le mériter ce ravito car il faut avoir couru 78 kms pour atteindre le graal. Le problème c’est que … après avoir couru 78 kms, t’as plus d’appétit !

Encore quelques photos de cette énorme bâtisse au loin qui est l’église du village Aubrac avant de pénétrer dans le buron des saveurs.

Ravito Buron des Bouals au km 78 =>> pointage à l’entrée après 11h30 de course (soit 46 minutes de retard vs 2017). Il est 18h30.

Voilà j’y suis, j’en ai rêvé depuis un an jour pour jour, depuis que j’ai quitté ce même buron en 2017 en souhaitant y revenir pour y déguster….des farçous !! Ils sont où ? Je dis à une bénévole que j’ai fait 80 bornes pour les farçous aveyronnais. Youpiii ils sont là, identiques à ceux de l’année dernière. J’en englouti un, deux, trois et quatre ! Un vrai bonheur. Mes yeux brillent en voyant ces tables garnies de fouaces, gâteaux à la broche, verrines de chef pâtissiers, cakes, parts de clafoutis etc… Je décide de prendre une part de cake aux noix et une part de clafoutis à la framboise. Je ne déguste pas, je dévore. Puis je me dis qu’il faut peut être y aller et je ne manque pas de remercier Mickael le chef, les bénévoles également. Pris d’un remord je me dis que repartir sans reprendre une part de farçou cela serait pécher. Alors encore une…et puis pris d’un remord je me dis qu’il faut quand même terminer par du sucré alors je reprends une part de clafoutis à la framboise. Voilà ! Comme ça je suis bien pour tenir jusqu’à l’année prochaine non ?

En sortant du buron lesté de tout ces kilos j’ai un peu la trouille de trébucher dans l’escalier. Finalement cela ne va pas si mal. Je reprends ma course. Enfin ma randonnée photos devrai-je dire…. Je passe devant l’énorme bâtisse du village Aubrac tout en ayant ma femme au téléphone, mais je coupe court à la conversation car je dois prendre des photos rapidement. Il me vient à l’esprit cette phrase : « je ne vais pas faire un beau chrono, mais au moins j’aurai de belles photos ».

 

Je clame à voix haute en passant devant un traileur cette citation. « je ne vais pas faire un beau chrono mais au moins j’aurai de belles photos ». Et là aucune réaction…limite je me demande si je ne l’importune pas. En fait j’ai l’impression de faire un bide. Je pensais être drôle et le mec me renvoie une image de loser. C’est aussi ça « l’esprit trail ». Tu penses partager des trucs avec les autres traileurs, sauf qu’eux ne sont pas du tout branchés sur la même longueur d’onde que toi. Bon ben faut savoir le gérer aussi.

Après le buron encore quelques kilomètres de magnifiques paysages avec une lumière qui revient plus rasante. C’est magnifique. Encore quelques photos.

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Ensuite on attaque la descente vers Saint Geniez d’Olt : elle est longue très longue et comprend cette fameuse traversée des bois complètement détrempée style rizières du Mékong.

Tout d’abord cette déception de s’apercevoir qu’une grande partie du sentier en descente a été complètement laminée par un bulldozer pour en faire à terme une route goudronnée…dommage.

Et puis une douleur vive au talon m’empêche de continuer. Je dois, encore, m’arrêter. J’ai un gravillon sous le talon qui me perce la peau. Je pensais pouvoir en faire abstraction mais dans les descentes cela devient insupportable. Je transige, m’assieds dans l’herbe, essaie d’enlever ce petit caillou. Or je ne trouve rien sous mon talon. Je retourne ma chaussure pleine de boue et j’en ai maintenant plein les mains. Je me rechausse. Or horreur malheur, malgré tout ce cinéma je m’aperçois que la douleur est toujours aussi vive ! Incompréhensible. J’ai mal malgré tout : effet d’hystérésis ? Compulsez vos dictionnaires svp pour ceux qui connaissent pas, je ne suis pas un blog de vulgarisation scientifique mais culturel ! 🙂

Aurais-je une épine calcanéenne ? Cela serait la poisse. Bientôt à force de cumuler tous les maux (TFL, fracture de fatigue, vraie fracture, lésion du tendon d’Achille etc…) je vais me transformer en une vraie encyclopédie des blessures du coureur à pied. Finalement je n’y pense plus, la douleur s’estompe.

Et me voici dans les rizières tel Sylvester Stallone dans Rambo au Viet Nam (mais qui a dit que mon blog n’était pas un blog culturel ?)

D’ailleurs le balisage ne s’embarrasse pas de contourner les obstacles, il passe au travers, carrément. On traverse des lits de rivières, enjambe des troncs d’arbres effondrés….bref c’est l’aventure, un raid, une course d’obstacles.

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Ce qui peut sembler ludique sur un parcours du combattant de quelques bornes, ou autres manifestations où l’on paie pour se couvrir de boue, l’est beaucoup moins après 85 kilomètres et 14 heures d’un Ultra. Ah…et justement à propos de ces 14 heures de course (il est 20 heures à la pendule) et bien j’arrivais l’année dernière sur la finish line. Or j’attaque seulement le premier mur de la forêt. C’est dur pour le moral de prendre conscience que je suis si en retard sur son chrono de 2017…et que je vais devoir terminer une très grosse partie de cet UTA à la frontale.

Le soleil tombe vite. Je mets ma frontale avant le croisement de la première route goudronnée qui longe un petit village / lotissement avec clocher et chien méchant qui m’aboie dessus. Il s’agit ensuite de la toute dernière montée vraiment abrupte. Ensuite il y a une partie très roulante en plateau puis la toute dernière descente sur Saint Geniez. Cela dit je n’aime pas cette portion où je m’étais étalé il y a deux ans assez méchamment. Or courir à la frontale cette partie du parcours est assez dangereux. Je me concentre. Et patatatra je me retrouve par terre. Allongé j’en profite pour contempler les étoiles et le petit croissant de lune. Le ciel est magnifique.

La fin est toute proche je la connais très bien : petit sentier le long du Lot que l’on croise deux ou trois fois en passant sur des petites pontons conçus avec des planchettes en bois. Je suis à deux doigts de perdre l’équilibre et de me retrouver dans la rivière.

Et puis enfin les lumières de la ville. Je me sens complètement galvanisé, prêt pour un nouvel Ultra ? Sur le dernier kilomètre je dépasse trois ou quatre traileurs qui sont en peine. Et je suis assez satisfait de gagner aussi vite des places au classement général. Car c’est aussi ça « l’esprit trail ». On est secrètement content de gagner une ou deux places à 100 mètres de l’arrivée parce que quand même !! Cela reste une course à classement : on a une furieuse envie d’en découdre 😉

Terminé. Le gymnase est bondé. Il fait chaud. Vive l’aligot !

Arrivée en 16h12 de course à  la 71 ième place soit à 28% des finishers (71/250) et 28% des VH1 (31/111). A la pendule il est 22 heures 15 minutes. J’ai faim, j’ai soif.

Le taux d’abandon est de 35% cette année.

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Et pour finir ce récit voici une belle mise en abyme sur la photo prise sur l’estrade d’arrivée ci-dessous. « Mais qui a dit que mon blog n’était pas culturel ? »… bon promis j’arrête.

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105 kms de l’Ultra Trans Aubrac 2018 : J-2…et petite réflexion sur l’astreinte à l’entraînement en course à pied.

J’attaque mon premier Ultra de l’année 2018 samedi prochain (21 avril 2018) à la veille de mes 45 printemps.

Cela sera la quatrième années consécutive que je m’aligne sur cette course qui m’est chère. Pour ceux qui sont intéressés j’ai déjà publié mes précédents récits sur ma course en 2015 / 2016 et 2017.

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C’est bien Schtroumpf bleu, votre serviteur, sur la photo !

Le point sur l’entraînement : je le résumerai en une citation :

« moins on en fait… moins on en fait ».

J’avais l’habitude l’année dernière de courir tous les matins 2 heures aux Buttes Chaumont à Paris… et cette année j’ai pris l’habitude de rester sous la couette tous les matins en attendant que mes petits lionceaux du 8 août 2017 se réveillent pour une session biberon. C’est un exercice qui n’est pas simple car il comprend une séance intellectuelle très compliquée qui implique de se concentrer – alors que vous êtes à peine réveillé – sur le nombre de cuillères de poudre de lait que vous devez utiliser (A noter en revanche que les lionceaux sont très alertes et vous le font savoir avec des cris stridents).

Une daily routine défaillante…quand le rythme est cassé, c’est cassé.

Je m’explique : j’avais l’habitude jusqu’à l’année dernière de courir TOUS les matins en me levant – naturellement (sans réveil) – à 5 heures du matin pour aller courir. Commentaire des proches : oouhaaaahouuuu comment tu fais ? Tu es trop fort le Grégo !! Et bien pas du tout, je suis comme tout le monde je n’ai pas plus de volonté que quiconque. Alors pourquoi cela marchait d’être aussi assidu à courir tous les matins à la fraîche ? ….et bien parce que justement c’était TOUS les matins. C’était devenu un réflexe conditionné, une pratique à laquelle je ne pouvais déroger… un besoin, une  » daily morning routine ». En revanche cela ne fonctionne que si c’est réellement quotidien… si on casse le rythme, c’est fini. Vous ne pouvez pas vous passer de vous laver ou de vous brosser les dents quotidiennement ! Mais si vous ne deviez le faire que deux à trois fois par semaine, cela deviendrait probablement une astreinte qui vous demanderait un effort. J’entends par là que la somme de volonté ou d’effort à fournir pour aller courir quotidiennement le matin à 5 heures du matin est INFÉRIEURE à la somme de la volonté ou effort requise pour aller courir 3 à 4 fois par semaine.

A ce sujet lisez le billet de mon ami nfkb sur l’assiduité à l’entraînement :

Malheureusement depuis fin décembre et notamment la SaintéLyon il m’a été impossible d’aller courir TOUS les matins…et donc « moins tu en fais moins tu as envie d’en faire ».

En conséquence, je n’ai jamais aussi peu couru sur un début d’année depuis 3 ans. Après avoir cumulé respectivement environ 1290 kms et 1730 kms en 2016 et 2017 à ce stade de l’année (arrêté mi avril) je cumule poussivement 1130 kms aujourd’hui soit un bon tiers de volume en moins par rapport à l’année dernière. En revanche au niveau de mon poids de forme, je bas des records, de ce côté là tout va bien ! J’ai pris en delta +2% (soit +1 kg) par rapport à ma « base line » (62 kg l’année dernière). Oui je raisonne en delta relatif et non en kg absolu : chiffre qui ne voudrait rien dire en soit. Passer de 81 kg à 82 kg (soit +1kg) n’est pas la même chose que de passer de 62 kg à 63 kg (mon cas). Dans le premier cas la variation est seulement de +1% (c’est à dire NS). En revanche à partir d’une variation relative de +/- 2% le delta de variation de poids commence à être significatif et se ressent lorsque l’on court….sur 105 kms.

Les conditions prévues samedi sur la Trans Aubrac :

Il fera chaud chaud chaud !!! Je préférerais encore la grêle qui nous est tombée sur la tête en 2016. Cela va cogner très fort sur les pentes en direction de la station de ski de Laguiole : crème solaire XXLL, buff, flasques remplies d’eau et de Coca aveyronnais full tank à Laguiole obligatoires !

Ce que j’en attends : mon cerveau m’envoie déjà des signaux de type « reward, reward, reward » à la simple évocation des ravitos que l’on va croiser et notamment le plus surprenant d’entre eux : celui du buron des Bouales où l’on nous sert les spécialités locales de type farçous et autres spécialités aveyronnaises, ainsi que des verrines préparées par un ancien pâtissier du restaurant triplement étoilé Michelin de Sébastien Bras. Une bonne occasion de bien entretenir mon poids de forme de 63 kgs !

Youpii. Vivement samedi, j’ai les crocs !

 

Récit : les 105 kms de l’Ultra Trans Aubrac 2017

Je viens de tourner la page sur ma troisième participation consécutive à l’épreuve de Trail qui commence à compter pour moi à savoir l’Ultra Trans Aubrac (105 kms et 3400 m de dénivelés positifs). La date de l’événement (cf. photo) était chargée de sens pour moi cette année car cela correspondait au jour de mes 44 printemps.

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22 avril : 44 ième anniversaire

En bref, et avant de commencer le récit, tuons le suspense, voici les chiffres bruts :  je termine cette année l’UTA avec un chrono de 14 heures et 5 minutes en 25 ième position sur 234 finishers (soit dans les 11% des finishers) parmi 321 coureurs au départ (soit 27% de taux d’abandon). Le grand vainqueur, Sébastien Goudard, terminera cet UTA en 10 heures et 28 minutes et la première féminine, Lucile Resplandy, en 14 heures et 49 minutes.

Pour ceux qui ne s’intéressent qu’aux chiffres bruts et autres stats concernant ma course je les invite à tout de suite zapper ce qui suit pour aller tout en bas. Pour ceux que cela intéresse, place au récit.

Histoire, littérature et tout ça :

Je commence à prendre mes habitudes et suis un peu toujours la même routine chaque fois que je descends en Aubrac pour participer à la course. Tout d’abord l’avion Paris Orly / Rodez dès le vendredi matin. Direction Rodez pour un déjeuner au café Bras (oui c’est bien de la même famille que les Bras père et fils du restaurant triplement étoilé de Laguiole) qui jouxte le magnifique Musée Soulages. Puis visite de Rodez, puis retour au Café Bras (je suis un pilier de salon de thé pâtisseries) pour l’heure du goûter et déguster les bourriols au chocolat (selon une recette de Michel Bras…voir photo) et autres mets exquis dont un cake carotte/noix génial.

Nous prenons ensuite la direction de Saint Geniez d’Olt (40 minutes de route) pour nous installer à la résidence vacances située dans le Château Ricard avec vue imprenable sur le Lot. Cette année la remise des dossards a lieu dans le gymnase d’arrivée et non plus à Bertholène. J’y croise mon ami Fabrice H. avec qui j’avais terminé ma première UTA en 2015 dans la douleur et la souffrance. Il avait joué le rôle de lièvre et de locomotive sur les 30 derniers kms alors que mes cuisses étaient perclues de courbatures…

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Remise des dossards fin d’AM vendredi 21 avril

Il est 20 heures il est temps de trouver un restaurant pour continuer à manger et se charger…en glycogène. Nous trouvons par hasard le restaurant italien La Louve sur la place principale. Au programme : spaghettis carbonara pour moi « à la française » (car il y a de la crème fraîche alors qu’en Italie la recette n’en comprend pas). Le plat est juste énormissime mais c’est ce dont j’ai besoin pour charger mes stocks.

Retour au château Ricard vers 22 heures. Je m’endors sans difficulté pour me réveiller naturellement sur les coups de 3h45. J’effectue mon test personnel pour checker mes réserves de glycogène : 100 pompes effectuées en 60/30/10. C’est tout bon : glycogène Full Tank ! C’est conforme avec le fait que je n’ai pas couru depuis deux jours (donc faible dépense de réserves) et que j’ai bien axé ma prise alimentaire vers des aliments riches en hydrate de carbone depuis 48 heures (donc confirmation de l’équation : « forte consommation d’hydrate de carbone + faible dépense physique =  stockage de glycogène »). Voilà qui est bon pour le moral.

J’ai environ 30 minutes pour prendre la douche froide, revêtir la panoplie de superhéro traileur et rejoindre à pied à la lueur de la frontale le parking du gymnase pour prendre la navette qui emmènera les coureurs au pied du Château de Bertholène en 30 minutes de lacets sur les départementales aveyronnaises (avoir l’estomac bien accroché car cela tourne).

5h00 : arrivée à Bertholène.

J’aime bien cette ambiance où tous les coureurs se retrouvent dans un espace confiné qui sent l’odeur de camphre ! Non je ne plaisante pas. On y fait des rencontres improbables, on échange quelques mots avec des collègues de Trail que l’on ne reverra plus. Petit florilège de ce que j’ai entendu à travers plusieurs profils (c’est une synthèse de plusieurs éditions dont je force à peine le trait) :

Le profil inquiet : « Alors tu l’as déjà couru ? ». « Il va faire chaud semble-t-il ? ». »Comment je m’habille ? », « heu ils ont dit qu’il allait faire froid…je pars en polaire ».

Le profil sûr de lui : « Moi j’ai couru le marathon des Sables alors tu sais la chaleur, pfuiii m’en fiche!! ».

Le profil médaillé qui déroule son CV : « Et moi j’ai couru l’UT4M, Le Morbihan, Le GRP, les Templiers… alors tu sais cela devrait le faire ici »…

L’audacieux : « moi je n’ai jamais couru une telle distance…que des semi marathons. »

Remarquez je me reconnais un peu dans tous ces profils, on est un peu tout à la fois.

5h45 : le speaker nous invite à quitter le gymnase pour nous rendre sur le promontoire du château de Bertholène : lieu du départ. Nous devons gravir quelques mètres de dénivelés non comptabilisés ceux-là ! Il fait super froid. 5 degrés ? Vivement que les fauves soient lâchés.

Le départ est donné avec quelques minutes de retard, un superbe feu d’artifice est lancé à partir du Château. Le ciel est clair, la lune est belle, pas un seul nuage. J’ai donc laissé ma frontale dans mon sac car on perçoit déjà la clarté de l’aube.

Etape : Bertholène / Saint Côme d’Olt

Je suis probablement dans les derniers car je me suis assez mal positionné dans le sas de départ. Comme d’habitude j’ai un très long temps de chauffe et je trouve que les autres partent comme des boulets de canon probablement à cause d’un effet d’entraînement du groupe des leaders. Et je dois très vite faire une pause technique au bout de 10 minutes si bien qu’en revenant dans le peloton, celui-ci semble avoir disparu, le groupe de coureurs s’est complètement effiloché. Je suis probablement dans les 50 derniers (rappel : 321 coureurs ont pris le départ).

Cette étape est très roulante. Je cours à mon rythme. Le paysage est celui d’une belle campagne. C’est rural. Nous longeons des prés aux vaches (de race Aubrac j’imagine). Des sentiments d’ordre bucolique traversent mon esprit en admirant leur pelage marron. Je les imagine bien persillées après 6 semaine de maturation en entrecôte dans mon assiette après une cuisson basse température sous vide au bain marie à 57 degrés à cœur (via un thermoplongeur) suivi d’un court snackage de 30 secondes par face à 240 degrés dans ma poêle. J’suis sympa…Je vous livre tous mes secrets de cuisson…

Je commence tout juste à me chauffer dans la très forte descente très technique qui mène à Saint Côme d’Olt et je me surprends à être très en jambe alors que l’année dernière j’arrivais un peu fatigué à ce tout premier ravitaillement.

Je rejoins le ravito de Saint Côme d’Olt (km 22) après 2 heures 47 minutes de course (il est 9 heures du matin) :

Tout premier objectif de ce ravito : m’enduire d’écran total car je sens déjà que cela tape assez fort. J’ai déjà depuis longtemps rangé mon coupe vent pour rester en TShirt de running que je ne quitterai plus jusqu’à l’arrivée.

Mon arrêt est assez rapide. Je remplis mes flasques, laissées vides au départ, d’un mélange coca/eau. Je ne prends rien de solide car j’ai ce qu’il faut sur moi (des greenies dont je mange une portion toutes les heures). Pour la caféine, je prends l’équivalent de deux dosettes de café plus le bon Coca aveyronnais.

Je suis pointé à la sortie du ravito en 177 ième position, il est 9h10 du matin (et 3 h 06 min de course) : 15 minutes d’avance par rapport à 2016.

Etape : Saint Côme d’Olt / Laguiole

C’est une étape difficile. Elle est majoritairement en dénivelé positif. Le thermomètre monte assez rapidement. Le peloton s’effiloche beaucoup. Je cours pendant un moment avec deux femmes assez costaudes. L’une parle d’un trail qu’elle aurait couru le dimanche précédent… Je n’y prête pas trop attention. Je suis parfois à son niveau parfois je la rattrape. Pendant une descente dans les sous bois nous sommes un petit groupe à foncer à vive allure, dont cette jeune femme. Or à une intersection nous nous rendons compte que la signalétique a disparu…et pour cause nous sommes en-dehors du parcours depuis… depuis quand justement ? C’est l’angoisse. Nous avons super bien descendu un sentier (hors parcours) que l’on va devoir remonter car nous nous sommes perdus. Et zut… je prends le lead et laisse derrière moi mes collègues. Finalement au bout de quelques minutes nous rejoignons l’intersection manquée, pour retomber sur les bonnes traces.  Perte sur le chrono estimée à 5/10 bonnes minutes.

Il faut faire avec. Et quelques minutes après, un peu déboussolé, je suis encore à deux doigts de me perdre à nouveau en suivant le parcours sur une route lorsqu’un collègue coureur m’interpelle pour me prévenir que je ne suis pas dans la bonne direction.

Je dois semble-t-il déjà accuser un peu le coup puisque je trébuche sur une pierre et fais une chute avant sans gravité. Je vais croiser déjà les premiers coureurs assis sur le rebord du parcours qui abandonnent pour cause de blessure (douleur du genou). Il est clair qu’un Trail comme la Trans Aubrac malmène les articulations car le « revêtement » n’est pas celui d’une piste d’athlétisme avec son tartan synthétique. Ici en Aubrac ce sont des chemins de terre avec des pierres très saillantes qui sollicitent énormément l’articulation des chevilles. Par ailleurs ce type de chemin requiert une attention de tous les instants sur le sol (il faut bien faire attention où l’on pose ses pieds) qui consomment énormément d’énergie et nous empêchent d’avoir le regard sur le balisage qui lui est à hauteur des yeux.

Je vais enfin arriver à Laguiole situé au km 55 après 7h20 de course (il est un peu plus de 13 heures) .

C’est l’étape où l’on récupère son sac de change laissé au départ. Dans mon sac se trouve surtout de la nourriture solide : financiers / greenies / Shortbread et barres chocolatées/pralinées/caramel. Tout est « home made » of course ! Bon, drôle d’idée quand même les barres chocolatées … on laissera tomber pour les prochaines fois : quand il fait aussi chaud cela fond dans le sachet (= mauvais plan !). En revanche c’est toujours un plaisir de se ruer sur mes greenies (sorte de cookies au thé matcha) et financiers amandes déjà testés l’année dernière en Aubrac ou sur la X-Alpine. Je vais également me repasser une bonne couche de crème solaire indice XXL : « non soleil, aucun de tes rayons n’atteindra mon épiderme ! ».

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Je vais à la table du ravito et me fais servir Coca Aveyronnais et une triple dosette de café soluble dans de l’eau chaude. Avec ça je vais être énervé comme le taureau dont la statut figure sur la Place principale de Laguiole ! J’en profite bien entendu pour remplir au max mes flasques d’un mélange coca/eau (soit 1.5 litre sur la poitrine). Après 20 minutes d’arrêt je quitte ce ravito. A la sortie je pointe mon dossard en 77 ième position et 7h 39min de course : 40 minutes d’avance par rapport à 2016  (NB : en 2016 la portion St Côme / Laguiole comprenait 3 kms de plus ! Donc en normalisant à 8min / km l’avance est réduite à 16 minutes)

Etape : Laguiole / Buron de Buales

Et on va attaquer la plus belle partie du parcours avec la montée sur les plateaux de l’Aubrac. Le soleil cogne, il fait chaud mais un vent plutôt frais nous permet de ne pas ressentir la morsure du soleil : et c’est justement le piège pour ceux qui ne se sont pas protégés des rayons. Je me dis que certains coureurs vont passer une mauvaise nuit ce soir en faisant le constat des coups de soleils.

Bon que les choses soient claires et faisons le check up : ingurgiter financiers / greenies / shortbreads arrosés de Coca et Café cela aboutit à un mélange plutôt explosif dans mon ventre. J’y suis allé un peu fort. C’est simple, J’ai l’impression d’avoir une pierre dans l’estomac. A cela il faut compter sur le portage de 1.5 kg de liquide dans mes flasques collées à ma poitrine : et bien j’ai l’impression d’avoir endossé une armure. Bref autant dire que je suis à des années lumières de ressentir des sensations planantes de légèreté. Pour figurer mes sensation et bien il me vient plutôt en tête l’image d’un gros char d’assaut.

Durant les trois heures que vont durer pour moi cette étape je serai incapable de manger quoi que ce soit de solide, sans pour autant en souffrir puisque finalement j’aurai ingurgité suffisamment de calories à Laguiole.

Très belle étape notamment la partie qui passe à travers les pistes de la station de ski où, cela dit en passant, je ferai une nouvelle chute avant. Heureusement je m’étale sur un tapis d’épine de pins : un vrai matelas amortisseur. C’est si confortable que je me serais bien reposé sur ce revêtement doux comme du feutre d’une table de billard pour faire une sieste.

A ce stade de la course on court souvent seul. Je dépasse un à un des coureurs et effectue un compte à rebours dans le classement pour passer le temps : « 54 »…dépassement d’un coureur : « 53 » !…dépassement d’un autre coureur et hop je suis « 52 » ! etc… Bref c’est ma petite occupation intellectuelle du moment : celle d’effectuer des soustractions, pendant qu’il est encore temps. Je sais qu’au bout d’un certain temps sur un Ultra les capacités physiques ne sont pas les seules à être fondamentalement entamées, les capacités intellectuelles également…

J’atteins le sommet du parcours finalement plus vite que dans mon souvenir. Je ressens une vraie jubilation les bras tendus à la vision du panorama qu’un photographe officiel arrivera à immortaliser … pour le site web de l’organisation de la Trans Aubrac : oui oui c’est bien moi !

Et enfin arrive le Buron des Bouals au km 73, il est 16h15 environ…

Lors de ce ravito c’est le festival des bonnes choses à bâfrer manger déguster puisque un ancien chef pâtissier de Bras nous a concocté des verrines et cakes aux noix. Je découvre une excellente spécialité : les farcous, un excellent moyen d’accommoder les blettes. J’ai beaucoup plus de plaisir à prendre du salé.

Je ne vais pas trop m’attarder. Au bout de 10 minutes je passe au pointage où l’on m’annonce que je suis en 35 ième position après 10h 27min de course. Cette portion (Laguiole / Buron de Bouals) aura été courue plus rapidement de 30 minutes vs 2016.

C’est encore une des plus belles partie de cette Trans Aubrac qui va s’offrir à nous d’autant plus que le soleil est moins « mordant » et que ses rayons vont donner une couleur toute particulière aux alpages de ces merveilleux plateaux de l’Aubrac.

Etape finale : Buron de Buales / Saint Geniez d’Olt

Nous allons principalement emprunter des chemins en dénivelé négatif. Oui mais autant vous le dire dans un Ultra Trail le plus dur ce ne sont pas les montées mais les descentes. Je commence à avoir très mal aux quadriceps si bien qu’il ne m’est plus vraiment possible de me laisser aller et « d’envoyer » dans les descentes. J’ai l’impression d’avoir de la limaille de fer entre les fibres musculaires. Je dois en quelque sorte amortir le poids de mon corps dans les descentes, lutter contre la gravité mais justement en n’accélérant pas, en freinant juste ce qu’il faut. Je cours en descente un peu comme quelqu’un qui marcherait sur des œufs, mon attitude doit être étrange vue de l’extérieur. C’est assez frustrant d’autant que j’ai encore de l’énergie. Je ne ressens pas du tout de gêne respiratoire, j’ai plutôt la grande forme. Mon problème est d’ordre inflammatoire.

Nous quittons les plateaux pour nous engouffrer dans la forêt et ses marécages. Nous suivons un cours d’eau après avoir traversé sur quelques mètres un marécage où nous n’avons guère d’autre choix que d’enfoncer nos jambes jusqu’à mi mollet dans de la boue.

Et puis et puis il y a cette « côte de la mort ». Un passage « droit dans le mur » qui est redoutable : court mais toujours redoutable ! Surtout veiller à ne pas glisser et retomber en bas car je crois que l’on ne s’en remet pas. Cela fait un peu penser à la forte pente de Lourtiers / La Chaux de la X-Alpine traversée de nuit l’année dernière.

Et puis cela n’en finit pas de descendre mais le fait de connaître le parcours constitue un avantage indéniable. J’arrive à bien me projeter sur la suite du parcours et à ressentir de mini victoires lors du franchissement de quelques étapes. Je sais que je suis dans la dernière descente qui me conduit vers le Lot. C’est terminé il ne reste que du plat. Et je sais que pour la première fois je ne vais pas avoir besoin de frontale. Enfin les rives du Lot le long de Saint Geniez d’Olt. C’est terminé ! Euh non …. il y a un changement de parcours sur le dernier km ! Incompréhensible. On nous fait longer le Lot beaucoup plus longtemps que lors des précédentes éditions. On contourne un camping, on fait des circonvolutions dans un lotissement !! Ah enfin on aperçoit le gymnase. Je vois Laetitia à son entrée. Photo !!

arrivée 2017

C’est fait ! Done ! Je monte sur l’estrade. Photo avec le speaker.

Premier Ultra de l’année clôturé.

Je termine la dernière portion du parcours (Buron de Bouals / St Geniez d’Olt) en 3h46 soit 20 minutes de mieux que l’année précédente.

CHIFFRES / ANALYSE :

tableau bilan 2017

  • Pas de surprise : le chrono est fonction du volume d’entraînement. Rien de nouveau sous le soleil. Il n’y a pas de formule magique. « Tu travailles, tu mérites, tu récoltes » : Et bien oui, c’est finalement magique. On nous le répète depuis que l’on est tout petit et d’aucuns voudraient croire qu’il y a des raccourcis.
  • Toujours le même protocole d’entraînement :
    • du long et du lent (au minimum 2 heures), monotonie.
    • à jeun le matin.
    • 120 kms de moyenne par semaine.
    • pas de VMA donc pas de blessure (constat gratuit de ma part).
  • Mes principes de nutrition :

I run because

  • Manger surtout en me faisant plaisir : entrecôtes bien persillées (oh oui du gras !), pâtisseries (oh oui du sucre !) : le plaisir avant tout sans aucun contrôle. Surtout ne pas entrer dans le cercle vicieux du « mangeur restreint » qui culpabilise et se flagelle parce qu’il n’aurait pas « mangé sainement » =  Gros construit social. Ma tarte au chocolat c’est avec du vrai chocolat comme ma mousse au choc c’est avec de la vraie crème bien grasse …avec du tofu c’est pas bon. J’ajoute également que : « j’adore le gluten ». Les pâtisseries sans gluten…j’ai testé et c’est pas bon non plus, quoiqu’on die (c’est du Molière dans le texte).
  • « Le gras c’est le goût »
  • 5 œufs en moyenne par jour parce que j’aime ça : sabayon tous les matins au petit déj. / scramble / Eggs bénédictes / omelettes / œufs durs / crème pâtissières etc…

LE MATOS :

  • Hoka One One Speed Goat : besoin de courir au minimum 500 kms pour les faire et me sentir comme dans des charentaises…sinon au début j’ai un peu, beaucoup, mal aux pieds.

ÉPILOGUE :

  • J’ai eu la chance de retourner chez le chef triplement étoilé Sébastien Bras (fils de Michel) à Laguiole le dimanche soir. C’est toujours un moment exceptionnel, hors du temps. Je ne peux que vous recommander d’y aller, c’est juste magique pour les yeux, pour les papilles. Avec des vrais produits : pas de bio, pas d’esbroufe : le goût et le respect du produit avant tout !
  • Finalement j’apprendrai quelques dizaines de minutes après mon arrivée que la jeune coureuse avec laquelle je m’étais perdu au début du parcours n’était autre que Lucile Resplandy, vainqueur de la compétition dans la catégorie féminine en 14 heures et 49 minutes.
  • Grosse surprise de constater que le site Web de la Trans Aubrac utilise actuellement (à l’heure où j’écris ces lignes soit le 28 avril 2017) une photo où je figure sur le point culminant du parcours pour illustrer sa page principale pour l’édition 2018. Merci à l’organisation pour m’avoir mis à l’honneur malgré elle.

NB : concernant la photo de la main page de l’article : veuillez noter que le crédit photo revient à Christophe Angot de Photossports et la TRANS AUBRAC qui est propriétaire de ladite photo.

Ultra Trans Aubrac 2017 : J-4

Ultra Trans Aubrac (105 kms et 3600 D+) : il ne reste plus que 4 jours avant mon premier Trail de l’année. Premier rendez vous avec un plus de 100 bornes pour me rappeler ce à quoi ressemble une épreuve au long cours (qui devrait durer pour moi plus de 14 heures). C’est aussi une épreuve de réglage du matériel avec en ligne de mire l’UTMB.

Mais finalement si je participe pour la troisième fois consécutive à ce trail (après 2015 et 2016) ce n’est pas seulement parce que cela me permet de m’entraîner à la discipline, ni parce que cette année cela tombe le jour de mon anniversaire, mais parce qu’avant tout …

L’Aubrac, je trouve que c’est très beau !

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Le point sur l’entraînement / préparation par rapport aux précédentes sessions :

UTA

Cette année c’est avec encore un peu plus de volume que je m’aligne cette année sur la ligne de départ de Bertholène. Si l’on part du principe que je cours à 6min / km en moyenne lors de mes séances matinales cela fait une moyenne de 110 kms par semaine sur le dernier mois. J’ai remarqué que mon économie de course était meilleure que l’année dernière si j’en crois mes pulsations moyennes sur mes séances. Je précise que mon protocole d’entraîment est totalement identique à celui de l’année dernière…et à celui de l’année précédente. Je vous livre mon copie colle :

« Avec constance ma préparation a été effectuée. A l’instar de celle produite pour la SaintéLyon. Toujours la même routine :

1/ des séances matinales de 5h30 à 7h30 à jeun.

2/ en endurance fondamentale sur les sensations.

3/ durée : environ 2 heures.

4/ terrain de jeu : le trottoir de ceinture de la grille du Parc des Buttes Chaumont.

parcours

Pas de « séances dures » de type VMA ou seuil. »

OBJECTIF pour cette année :

Tenter les « moins de 15 heures » et entrer dans le deuxième décile des finishers (pour le 1er on oubliera) !

Mon récit des 105 kms de l’Ultra Trans Aubrac 2016

105 kms de l’Ultra Trans Aubrac, après validation des checks points, mon classement officiel est désormais tombé. Je suis le 33 ième finisher au général de cet Ultra Trans Aubrac parmi 180 coureurs (et coureuses) qui sont allés jusqu’au bout du bout…de la boue ! Oui trop facile celle-là.
Mon chrono est de 15h 35min. Celui du vainqueur de 11h 42min.
257 coureurs courageux étaient au départ, 180 à l’arrivée, soit un taux d’abandon de 30% (22% l’année dernière)
Dans ma catégorie qui me donne un coup de vieux (les VH1), je termine 10 ième sur 71 finishers quadragénaires aux cheveux blancs.
C’est ma deuxième participation consécutive à cet Ultra. Pour le récit de l’année dernière c’est là.
Voilà c’était pour les chiffres et tuer le suspens. Maintenant place à l’histoire, au récit, avant que tout cela ne s’efface, avant que mon cerveau ne fasse son travail d’érosion me donnant l’impression que c’était finalement facile alors que c’était une « sacrée aventure galérienne » (c’est un néologisme perso, ne cherchez pas dans le dictionnaire). Pour ceux qui n’aime pas la (mauvaise) littérature et qui sont plus intéressés par des concepts / idées / chiffres sur cet Ultra ils peuvent directement passer au dernier paragraphe pour la synthèse. Pour les autres qui vont lire ma prose je leur promets du sang, de la sueur, des larmes…mais surtout beaucoup de boue.
Vendredi 22 avril, la veille de la course : j’ai 43 ans ce jour-là !
Cette année, contrairement à l’année dernière, je suis accompagné de ma plus fidèle supportrice : mon épouse. En fait j’ai réussi à la convaincre de venir en lui disant que nous passerions la nuit du dimanche au lundi au restaurant hôtel de Bras, Le Suquet (célèbre table 3 macarons Michelin) à Laguiole. Youpiiii ! Mais c’est aussi pour moi l’occasion d’avoir en ligne de mire une formidable récompense si je termine cet Ultra. Après l’effort…etc. Bref je vous fais l’économie de la formule.
La veille de la course nous arrivons à Rodez en avion, puis location de voiture, puis visite du centre-ville, puis déjeuner au Café Bras (essaimage à Rodez dans un format brasserie – plus accessible – du restaurant de Laguiole), visite du Musée Soulages, thé pâtisseries au café Bras (Encore ! Mais le lieu est tellement beau et bon, et puis vous me connaissez je suis un pilier de salon de thé), 18h00 retrait du dossard à Bertholène, arrivés à Saint Geniez d’Olt à 19 heures, puis crêperie pour le dîner, puis au lit à 22h30…et j’arrive à m’endormir immédiatement, VICTOIRE !!!! Oui c’est une victoire car les veilles de course où l’on doit se réveiller à 4 heure du matin, j’ai habituellement des insomnies. Et là je me réveille comme une fleur à 3h50, sans réveil, après avoir engrangé 2 à 3 cycles de sommeil bien positionnés (les plus réparateurs). J’ai la pèche il faut bien le dire, et cela fait du bien pour son capital confiance.
Je me rends à pied au gymnase (lieu de l’arrivée de la course) pour aller prendre la navette qui conduira les coureurs sur le lieu du départ (Château de Bertholène). Il pleut, je dois me vêtir de mon textile Gore Tex bleu qui sera le meilleur investissement de mon année 2016 à n’en pas douter… Dans la navette je discute avec un jeune originaire de Pau qui va courir son premier Ultra de +100 kms et qui me parle de son précédent abandon au raid du Morbihan (pensée pour Sylvain), j’ai un peu de craintes pour lui car aujourd’hui il faudra faire face à d’autres éléments que les embruns de l’océan.
Et c’est donc sous une pluie, battante cette fois, que nous arrivons à Bertholène, les vitres du bus sont plein de buées, et mon estomac me dit qu’il est à deux doigts de faire une vidange.
Dans le gymnase je prends un bol de thé et une tranche de Fouace (brioche locale excellente) servis par les bénévoles d’une sympathie et amabilité rare. Contrôle rapide de nos sacs pour checker le matos obligatoire, puis nous sommes invités à monter (déjà une montée, non compté dans le km de la course) sur la butte du Château de Bertholène de laquelle sera donné le départ à 6 heures. Finalement le top sera donné avec un retard de presque 15 minutes pour des raisons que j’ignore.
Et c’est parti. Je n’ai pas allumé ma frontale. Celles de mes camarades me suffisent et on sent que l’aube pointe son nez.  Il s’est arrêté de pleuvoir. Le sol est humide. La première partie est très roulante même si on peut très vite comprendre que le terrain sera gras, donc technique, et que cela consommera beaucoup plus d’énergie que l’année précédente.
Ma stratégie de course :
Ma stratégie de course est très claire et précise. Je cours au cardio. Il n’est pas question pour moi de dépasser un niveau d’effort qui serait supérieur à 70% de ma FCMax (Fréquence Cardiaque Maximale). J’ai les yeux rivés sur ma montre. L’idée est d’appliquer cette stratégie au moins jusqu’au km 75…et ensuite de lâcher les chevaux (s’il reste des chevaux à lâcher…). Donc au moindre faux plat montant je regarde ma montre pour être sûr de ne pas dépasser ce seuil, le cas échéant je ralentis, je trotte, je marche dans les montées un peu raides. J’attends que ma FC revienne sous le seuil avant de me remettre à courir. Cette stratégie, on arrive à la suivre scrupuleusement tant que l’on est lucide. Cela dit, au fil des heures qui passeront je serai de moins en moins discipliné jusqu’à ne plus être capable de checker les pulses.
Tout se passe bien je suis dans ma bulle assez concentré comme on peut l’être au début d’un trail. Les choses se gâtent bien plus tard.
Il y a une descente en mur hyper technique à cause de la boue juste avant d’arriver sur Saint Côme d’Olt. C’est la première fois que je fais chauffer à ce point les quadriceps en excentrique pour lutter contre la gravité. C’est mon point faible. Cela glisse, il y a des pierres bien coupantes qui n’attendent que de vous faire trébucher ou vous trancher si jamais vous vous affalez sur elles. Premières frayeurs lors des moments d’instabilité / glissades qui vous font monter le niveau d’adrénaline et le palpitant, et ce n’est que le début…
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1er ravito : Arrivé à Saint Côme d’Olt au km 23 après un peu plus de 3 heures de course.
J’arrive en retard sur le chrono de l’année dernière mais en ayant finalement consommé moins de carburant puisque mon niveau d’effort (mesuré par mon cardio) est de 10 pulses en moins / minute sur cette même portion.
Je prends mon temps au ravito. Je bois pour la première fois depuis le départ (car parti avec les gourdes vides) du coca aveyronnais, je mange des bananes, je mange du cake… jamais autant mangé lors d’un premier ravito. J’ai toujours la trouille de trop manger et de devoir recourir avec un estomac trop lesté. Il est temps de partir après avoir rempli d’environ 20 cl une gourde de coca (cela me suffira jusqu’à Laguiole au km 55).
Je repars, il s’est écoulé 3h 20min depuis le début de la course. Je suis en retard de 20 minutes par rapport à l’année précédente.
La partie à venir est celle où je vais prendre le moins de plaisir. Le paysage n’est pas celui que je préfère. Ce sont des sentiers en sous bois. Globalement c’est assez difficile il y a pas mal de montées sans pour autant que cela soit des murs. Je n’ai pas de très bonnes sensations. Le temps passe assez lentement. L’objectif que j’ai en tête est de retrouver Laetitia lors du croisement d’une route de bitume au lieu dit de « La Vitarelle », sauf que je n’ai aucun repère (je n’ai pas de GPS) et ignore donc le kilométrage couru. Je prends en chasse un duo composé d’une femme (qui a un sacré rythme !) qui manifestement a couru l’UTMB si j’en crois son sac à dos estampillé du fameux logo ainsi qu’un jeune homme, un crack au vue de sa technique et son allure, vêtu d’un haut blanc immaculé (comment il fait pour que son TShirt reste propre lui ?) et qui a le look d’une star avec ses lunettes de soleil (superfétatoires puisque le ciel est plombé et qu’il n’y a aucun rayon). Ce duo court ensemble et je me dis que le jeune homme est le coach de la jeune femme à moins que cela ne soit l’inverse ? Bref ils jouent le rôle de lièvre. Je les dépasse, ils me dépassent… plusieurs fois.
Et c’est enfin la rencontre avec Laetitia. J’ai faim ! Sauf que…Laetitia a juste oublié de prendre mes boîtes à victuailles.
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Mais elle peut encore me voir à 10 kms de Laguiole soit d’ici 30 minutes environ. Cette fois le parcours comprend des sentiers plats complètement détrempés et recouverts de mares de boue. Et c’est parti pour les bains de pieds. La boue peut monter jusqu’à mi mollet. Et à partir de maintenant on aura les pieds mouillés pour le restant de la course. En fait à ce moment là j’ai mon premier « sérieux coup de moins bien ». En dehors des mares de boue où évidemment on n’a pas le choix, je me mets à marcher même sur des portions plates sur bitume. Je connais une vraie baisse d’énergie mais qui sont des situations que je commence à dompter et connaître sur ce type d’épreuve. Le moral et la forme physique suivent une courbe sinusoïdale sur les trails longs et il ne faut pas y attacher trop d’importance, il faut attendre que cela revienne.
Nouveau stop avec Laetitia, elle voit à ma mine que cela ne va pas trop bien. Je lui donne le change en lui disant que « cela va pas trop mal »…euh « enfin pas hyper bien ». Je mange des greenies (comme des brownies mais au thé matcha) et financiers, évidemment pour ceux qui me connaissent, ce sont des douceurs « faites maison » ! Vivement Laguiole qui est à 8 kms environ. La portion qui reste sera infernale. Elle est majoritairement composée de sentier complètement boueux, les pieds ont un peu froid. Il est inutile de vouloir contourner les mares : parfois c’est impossible, parfois dangereux car on frôle les barbelés qui clôturent les champs adjacents, et on perd beaucoup d’influx nerveux à vouloir jouer au contorsionniste. C’est inutile, allons tout droit comme dans un bain en Thalasso et floc floc floc…
2ièm ravito : Arrivé à Laguiole au km 55 après environ 8h de courses.
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C’est très drôle Laetitia est venu me rejoindre en amont du ravito de Laguiole juste à la sortie du sentier boueux. On fait la traversée de Laguiole ensemble, on marche, on trottine, on passe devant la statue du bœuf avec ses testicules « bene pendentes » (oui c’est du latin et c’est une expression consacrée…pour les Papes et pas que pour les bœufs). Au ravito je vais prendre mon temps, Je bavarde avec Laetitia la bouche pleine.

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Ravito de Laguiole : une joie indescriptible se lit sur mon visage.

Je me restaure : toasts de pâtés, soupe, mes greenies, mes financiers. Je boulotte et d’ailleurs je culpabilise de boulotter autant mais c’est plus fort que moi, mon corps, mon cerveau primaire réclament. Je sais qu’il y a une grosse montée à la sortie de Laguiole en direction de la station de ski et mon cortex cérébral quant à lui craint d’avoir l’estomac trop lesté pour l’affronter.
Point négatif pour le moral en regardant ma montre, je prends conscience que pour cette année il me sera impossible d’améliorer sensiblement mon chrono. Je me dis qu’il sera même impossible de faire comme l’année dernière ! Je demande au représentant du check point quel est mon classement actuel, le bénévole me dit qu’il y a devant moi environ 60 solos. De mémoire l’année dernière j’étais dans les 70 premiers à ce niveau de la course, donc finalement ce n’est pas si mal.
Il est temps de partir en laissant mes illusions de bonne performance à Laguiole. Next rendez vous avec Laetitia à la station de ski et place à la plus belle partie du parcours, celle pour laquelle je me suis réinscrit cette année. L’Aubrac et ses plateaux, ses alpages, c’est maintenant !
Je repars, il s’est écoulé 8h 20min depuis le début de la course. Je suis en retard de 10 minutes par rapport à l’année précédente.
C’est très dur de reprendre la course sur du bitume dans les faubourgs de Laguiole. On traverse la forge / magasin d’usine des fameux couteaux. Et puis très vite on ré-attaque le sentier qui nous monte vers la station de ski.
Je commence à reprendre du plaisir car c’est beau, le temps est assez sec. On sent que cela se lève.
Et c’est la plus belle partie du parcours qui commence, qui plus est sous le soleil. La végétation change, ce sont les alpages, une brève escapade sur des sentiers souples, secs (mais oui, mais cela ne va pas durer très longtemps). On a l’impression de courir sur des plans de billard. Un coureur que j’avais croisé sur cette même course l’année précédente, Olivier, me reconnaît et se souvient même de la conversation que nous avions eue à cet endroit même de la course, c’est incroyable. Nous courrons exactement à la même allure. Sans pour autant être toujours l’un à côté de l’autre nous nous verrons / croiserons quasiment jusqu’à la fin de l’épreuve.
Il fait chaud, cela tape. J’ai dû ranger mon imperméable Gore Tex pour ne laisser que ma première couche à manche courte. Et je retrouve Laetitia qui est venue à ma rencontre quelques hectomètres avant la station de ski de Laguiole.
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C’est le bonheur, l’euphorie quoi ! Quand je vous disais que le moral lors d’un trail suivait une sinusoïdale, et bien à ce moment la courbe est au plafond. Au croisement de la route je laisse Laetitia. On se croirait dans un film à l’eau de rose avec une voix off qui dirait « Ils s’embrassèrent, ils se quittèrent et se jurèrent de »…se retrouver au prochain point de rendez vous une demi heure plus tard !
Je retrouve ma petite femme rapidement au prochain point de rendez vous sur route pour marcher avec elle en direction du point culminant de ce trail. Point à partir duquel nous avons une vue à 360 degrés sur l’Aubrac. On prend notre temps pour prendre des photos.
Je n’ai plus l’impression d’être sur un trail mais plutôt sur une randonnée estivale. Mais pourquoi pas ? C’est une belle parenthèse de 15 / 20 minutes. Je laisse Laetitia au point culminant pour initier la descente en direction du Buron des Bouals (prochain ravito officiel).
Il s’écoule 1 heure / 2 heures ? je ne sais plus. J’aperçois un enclos de prés aux vaches. La signalétique nous pousse à l’emprunter, il y a deux tentes. En fait il s’agit d’un ravito surprise. Et quel ravito ! Il y a un barbecue avec des saucisses grillées, des tranches de pain avec de la terrine. 5 ou 6 bénévoles tiennent le camp. C’est juste surréaliste. Et cela fait un bien fou, on nous offre un gobelet de thé vert sucré qui fait du bien. Je mange de tout mais je me restreins dans le boulottage désormais car je sais que lors du prochain ravito (à 8 kms) du Buron au-dessus du village Aubrac, le ravito est chaque année exceptionnel.
A partir de maintenant le climat va commencer à se gâter. Le soleil se fait la malle. Les nuages menaçants refont surface. Le terrain va également changer. Les tourbières vont commencer à faire leur apparition. J’arrive près d’une cascade et la grêle se met à tomber. Je m’abrite sous des arbres pour remettre mon Gore Tex de couleur bleue que je ne quitterai plus jusqu’à la fin de l’épreuve.
Et au loin à travers la brume qui commence à se lever j’aperçois sur la droite de l’horizon une masse imposante, une église énorme, massive, austère il s’agit de l’église du village Aubrac. Le balisage nous fait tourner à gauche pour nous engouffrer dans un buron : le Buron des Bouals : notre dernier ravito officiel.
3ièm ravito : Arrivée au Buron des Bouals (près du village Aubrac) km 75.
Et quel ravito ! C’est un festival. Il s’agit en fait d’une tablée énorme sur laquelle figurent canapés, verrines de grands chefs pâtissier. Et quel chef ! En effet le pâtissier qui nous a concocté les verrines n’est autre qu’un ancien pâtissier formé chez Bras (le triple étoilé). Et je ne puis m’empêcher de tout déguster, verrine après verrine, canapé sucré après canapé sucré. Il y a également de la Fouace et du gâteau cuit à la broche (spécialités aveyronnaises). Bref, les sirènes sont là pour me faire trébucher et je ne suis attaché à aucun mât. Sauvez moi ! Il faut à un moment donné se faire violence pour s’extirper de ce lieu de plaisirs gustatifs et veiller à ne pas se tirer une balle dans le pied (enfin plutôt dans l’estomac en l’occurrence). Il reste 25 kilomètres (le plus difficile est à venir) et trop engloutir à se rendre malade peut être un piège.
Juste après le buron je retrouve Laetitia sur le GR à Aubrac : changement de gants express (je prends mes gants oranges fluo qui sont du plus bel effet) prises de quelques photos, quelques encouragements et c’est reparti. On se donne rendez vous vers le km 87.

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Le Schtroumpf bleu au fond c’est moi.

Je repars, il s’est écoulé 11h 37min depuis le début de la course. J’accuse un retard de 32 minutes par rapport à l’année précédente. Le retard s’est donc accru j’ai vraiment pris mon temps sur cette portion.
« L’Ultra Trans Aubrac commence maintenant ! »
C’est ce que j’avais dit la veille au soir à un compagnon de trail dans la crêperie. Il faut arriver relativement bien au Buron des Bouals car le plus dur est à venir.
Et à partir de maintenant l’Ultra Trans Aubrac commence réellement pour moi. Je sais que je vais entrer dans ce qui avait été un tunnel l’année dernière : je n’avais pas mis moins de 4h30 de course à partir d’Aubrac pour rejoindre la Finish Line de Saint Geniez d’Olt. Le physique peut lâcher et on doit compter sur sa volonté pour tenir le coup. A partir de maintenant il y a de gros risques que la sinusoïdale du baromètre de l’état psychique tutoie le plancher et y demeure scotchée.
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La première heure se déroule et les difficultés s’accumulent : chemins parfois rocailleux, boueux et glissants, quand le chemin emprunte les alpages il s’agit en fait de tourbières. Je perds l’équilibre, chute arrière : les fesses dans la boue, mes gants orange fluo ne seront pas restés secs très longtemps (30 minutes). C’est le bonheur ! Puis j’ai le souvenir d’une très longue descente qui nous fait quitter les paysages d’alpage. Nous retournons dans un paysage forestier que nous ne quitterons plus jusqu’à Saint Geniez d’Olt : au revoir les beaux plateaux pelés de l’Aubrac. Désormais on s’enfonce dans la jungle, humide, hostile. Et le ciel restera couvert, le fond de l’air va demeurer menaçant. Il y a aura souvent de la bruine, de la pluie fine. Sale temps pour ceux qui souffrent d’arthrite !
Après cette longue descente, l’itinéraire suit un long cours d’eau. Ma panoplie de Schtroumpf aux gants orange n’est pas vraiment adaptée à la situation. Des troncs d’arbres bloquent le passage, on doit traverser des cours d’eau sans autre moyen que de prendre des bains, parfois on traverse des champs de rizière (c’est une image). Je troquerais bien ma panoplie de Schtroumpfs pour celle de Sylvester Stallone dans Rambo avec le couteau entre les dents : bien plus adaptée à la situation. Et je me mets à courir (faut être fou) et je me prends un sérieux carton : jolie vol plané, chute avant, je me retrouve plaqué au sol…Outch !! Rien de cassé, mais cela calme. Heureusement que mon buste à la Sylvester Stallone me permet de protéger mes côtes. Il va falloir veiller à lever les pieds désormais. Je me souviens que d’ici l’arrivée il va falloir grimper encore quatre montées face au mur et dont le premier est juste une horreur. Il faut entendre par là que le premier mur nécessite parfois d’être à quatre pattes et que l’on n’a pas le droit de dévisser sinon on ne remonte plus. Le chemin est comme il se doit bien boueux. Le cardio monte très haut. Ah au fait le cardio, cela fait un bail que j’ai oublié de le checker celui-là ! De toutes manières la ceinture commence à tomber, je n’arriverais pas à la remettre en place : je suis trop cuit. Et puis à ce stade de la course toute contrainte d’ordre logistique (sortir un vêtement, sortir un gel etc…) nécessite de fournir un effort colossal. Même le fait de sortir le téléphone de la poche pour mettre au point le rendez vous avec Laetitia me demande un effort surhumain.
Arrivé au point de passage du km 87 : il y a une tente avec des bénévoles dont l’objet sera d’arrêter les coureurs qui seront en dépassement de la barrière horaire…mais Laetitia n’est pas là. Pas de réseau sur mon mobile. J’attends 2 / 3 minutes puis décide de continuer. Tant pis, rendez vous manqué. Je poursuis, très concentré. J’ai le souvenir de l’année dernière où mes quadriceps me faisaient terriblement souffrir. Je ne pouvais plus descendre, mes muscles ne me retenaient plus. Et tout d’un coup une angoisse m’étreint. Je me rends compte que je vais devoir terminer ce trail dans le noir ce qui requiert d’utiliser ma frontale. Or, je n’ai plus le souvenir de l’avoir rechargée : c’est bête de ne pas avoir vérifié ce détail !!!!! Je me souviens surtout de l’avoir déchargée cette semaine lors de mes sorties aux Buttes Chaumont mais comme l’éclairage urbain est suffisant et que le soleil se lève plus tôt je n’ai plus le réflexe de plugger ma frontale dès mon retour à l’appartement. Arghhh ! Angoisse quand tu me tiens. J’ai la boule au ventre. On est bientôt entre chien et loup. La brume vient de s’installer. Le sentier est devenu terriblement dangereux, aucune stabilité, une vraie patinoire sur plusieurs centaines de mètres. On est en descente. Un vrai enfer ce trail. Personne en visuel devant moi, personne derrière, je me sens bien seul. Cela fait des heures que je cours totalement isolé.
Le portable sonne. Laetitia m’attends sur une route goudronnée que je suis censé croiser. La descente dans laquelle je suis continue à être infernale parce que très dangereuse et sans aucun appuis. J’arriverai 30 minutes plus tard au point de rendez vous. On marche ensemble quelques centaines de mètres. Il y a un village en contrebas.
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Je lui demande de sortir ma frontale de mon sac car je n’ai plus l’énergie de le faire. Je mords dans mes greenies au thé vert matcha : qu’est ce que cela fait du bien ! Un vrai dopant ce truc, j’envoie la recette (de Grossman dans Un petit déjeuner à New York) sur demande. Je mets ma frontale et continue à courir, il reste une dernière bosse. On commence à ne plus rien voir du tout. J’attendrai la toute, mais vraiment la toute dernière minute (jusqu’à vraiment ne rien voir du tout) avant d’allumer ma frontale pour savoir… Alors elle est chargée cette frontale ???
Oui il semblerait qu’elle ait encore du jus.
Hourra ! Mais pour combien de temps ? Euh cela dit je vois à peine mieux. En effet il y a de la brume. Et vous avez vu le rendu d’un faisceau lumineux dans la brume ? Et bien on ne voit rien du tout, c’est le brouillard, un brouillard que l’on éclaire. En fait le brouillard joue un rôle de réfraction qui rétrécit le champs de vision. J’arrive tout juste à percevoir la signalétique du parcours. En fait mon faisceau est très étroit, soit je checke la signalétique et je ne vois plus du tout où je mets mes pieds, soit j’ai le nez collé au sol mais je ne peux plus voir la signalétique. Cela me bouffe une énergie énorme. Après cette dernière bosse il y a une longue portion de plat avant de redescendre sur Saint Geniez d’Olt. Je me mets à courir à vive allure (9 … 10 km/h ?). En face de moi je double quelqu’un. Cela fait bien deux heures que je n’ai pas croisé qui que ce soit. Et puis quelque minutes après on attaque la descente et là ! Pan ! C’est mon troisième carton de la journée. Je me retrouve à terre : probablement un joli vol plané. Je me relève avec quelques égratignures. Rien de cassé, tout va bien. Je vais mettre un peu le frein.
En descendant dans la forêt en direction de Saint Geniez d’Olt nous quittons le brouillard, nous longeons un cours d’eau. Je sais à ce moment là, connaissant le parcours, que la fin est très proche (3 kms ?). Je vais doubler deux concurrents à la peine. J’appelle Laetitia pour lui dire que je ne suis pas loin de l’arrivée et qu’elle doit m’attendre au gymnase. Ça y est, c’est la première grande et belle bâtisse du village, on peut y percevoir l’occupant affalé sur son canapé bien au chaud en train semble-t-il de regarder la télé. Je suis à 1.5 km tout au plus de l’arrivée. Traversée du village, la route qui mène au gymnase d’arrivée, le parking et j’entends au loin Laetitia qui sort de la voiture. Je m’attendais à la voir 300 mètres plus loin à l’entrée du gymnase. En fait elle a décidé de me suivre en courant, l’appareil photo à la main. Quelle drôle d’idée alors que je mets le turbo pour en finir au plus vite. Arghhh. Après le remake du film Rambo quelques heures plus tôt me voici dans le remake d’un film burlesque à la De Funès. Ma femme court après un schtroumpf aux gants oranges fluo (c’est moi) sur un sentier détrempé en simples baskets et appareil au point. Et comme dans tout film comique qui se respecte cela se termine par une glissage. Cela ne manque pas. Je lui cris « retourne au gymnase par l’entrée principale !! ». Mais non, elle est têtue. A 50 mètres de l’arrivée la voilà qui se mets à glisser sur le talus boueux en descente menant à un terrain de sport. Elle n’a rien, je lui rappelle de retourner à l’entrée principale du gymnase comme l’ont fait TOUS les autres supporters. Je continue, j’entre dans le gymnase noir de monde en direction du podium et je coupe cette finish line. Petite interview avec l’organisateur, récupération du TShirt de finisher….moments dont Laetitia ne sera pas témoin, le temps qu’elle trouve l’entrée du gymnase. Je quitte le podium…
Enfin, la voilà !
ÉPILOGUE
Le lendemain soir (dimanche 24 avril) nous passons la nuit au Suquet, le restaurant des Bras. Sébastien qui a pris le relais de son père Michel me fait l’honneur de poser avec moi et le TShirt de Finisher dans sa cuisine. Il me dit qu’il a déjà couru le marathon de New York et également l’Ultra Trans Aubrac il y a quelques années dans une équipe de relais ! Un grand chef triplement étoilé qui est également runner (comme un certain Thierry Marx). Chapeau bas. Le diner était juste sublime.

Avec Sébastien Bras
Avec le chef trois étoiles : Sébastien Bras. Coureur de trail également !

1/ ANALYSE DU CHRONO ET DE LA PERFORMANCE :
Mon chrono est de 15h 35min soit une avance de 2 minutes par rapport à l’année précédente. 2 petites minutes de mieux au final alors que j’accusais encore un retard de 32 minutes au km 75.
J’ai donc repris sur cette dernière partie (depuis le Buron des Bouals) 34 minutes par rapport à l’UTA 2015.
 
Mon classement est 33ième (dans les 18% vs all finishers) contre 48ième (dans les 28% vs all finishers) l’année dernière. Le progrès est assez significatif en terme relatif ce qui prouve à quel point les conditions étaient plus difficiles cette année. D’ailleurs le vainqueur termine cette année en 11h 42min (un extra terrestre) contre 10h 59min l’année précédente soit 42 minutes de plus !
Le taux d’abandon grimpe cette année à 30% contre 22% l’année dernière.
Chez les VH1 (les vieux quoi !) je suis 10 ième vs 72 VH1 finishers soit dans les 14% (l’année dernière j’étais dans les 27%).
  • Tableau de comparaison des deux UTA courus (2015 vs 2016)

tableau bilan des 2 UTA

2/ PENSÉES / RÉFLEXIONS PÈLE MÊLES
  • Grand coup de chapeau aux organisateurs / bénévoles
Autant le dire, mais franchement j’ai plutôt envie de le garder pour moi, je ne veux pas que ce trail soit victime de son succès. Mais ce Trail est juste géant. L’organisation est extraordinaire. Les bénévoles font preuve d’une amabilité rare. On a envie d’y retourner sans se poser de questions. J’ai pris mon abonnement.
  • La psychologie
Connaître le parcours et l’avoir déjà couru procure un avantage psychologique indéniable. En effet on n’est plus surpris, comme j’ai pu être l’année dernière, par des portions qui semblent interminables. Quand on recourt une course on connaît le story board et le cerveau n’est pas surpris.
Mes lecteurs assidus le savent je fonctionne toujours en ayant un ou deux titres (mélodies) en tête. Mon cerveau joue le rôle d’un Juke Box. Je n’ai jamais couru avec un casque, je déteste ça. En revanche j’ai toujours une ritournelle dans la tête : une mélodie bien entêtante qui m’aide à courir. Sur cet Ultra Trans Aubrac mon cerveau m’avait sélectionné et m’a fait tourner en boucle : Ghostmother de Moderat et Walkway Blues de M83. Je ne les choisis pas consciemment, c’est bien mon esprit qui en début de Trail se cale sur une ritournelle qu’il fait tourner en boucle de manière incessante. Parfois cela me gonfle car la boucle qui tourne dans ma tête doit durer 10 secondes et je repasse dessus des centaines (milliers ?) de fois comme un disque rayé…
  • L’équipement
Mes chaussures Hoka One One Rapa Nui sont le meilleur investissements chaussures de trail que j’ai jamais fait. Utilisées pour mes deux dernières SaintéLyon avec succès, ce sont MES chaussures de trail que Hoka One One malheureusement ne commercialise plus. J’ai fait tous les stocks et impossible de remettre la main sur une paire neuve. Et ce ne sont certainement pas les Speed Goat, ni les Mafate Speed qui les remplaceront. Ces deux derniers modèles ne me conviennent pas du tout.
Le blouson Gore Tex imperméabilisé bleu : isolant du vent, de la pluie, du froid. Une vraie bombe ce textile. Certes il peut y faire un peu chaud pour l’épiderme mais il ne faut pas croire à la magie non plus : on ne peut avoir un textile super isolant qui en plus respire. Cela n’existe pas.
  • La nutrition
Je n’ai pas arrêté de bouffer !! Il faut le dire d’autant plus que Laetitia était présente avec mes boîtes de greenies et de financiers homemade. Si l’on compte en plus le ravito surprise de saucisses / pâté vers le 75 ième. Le ravito pâtisseries verrines de l’ex Bras. J’ai bien dû ingurgiter le double de calories de l’année dernière c’est très certain ! Et je suis surpris de m’apercevoir que cela s’est déroulé sans problème digestifs. Finalement le fait d’étaler la prise alimentaire est une bonne chose et fonctionne pour moi. A noter « un vrai coup de bien mieux » après avoir mangé mes greenies à La Vitarelle (km 45 ?) et au km 97 alors que je me trouvais dans les deux cas dans une traversée du désert.
  • La forme physique
Au vue de l’amélioration de ma performance oui j’étais mieux préparé cette année et je me suis senti bien mieux d’où mon très bon finish.
Autre symptôme de ce meilleur état de forme. J’ai couru avec un coût énergétique moins élevé qu’en 2015 (pulses moyennes à 69% contre 75% de la FC Max l’année dernière) d’où ces bonnes sensations sur la fin du parcours.
  • Ma femme
Elle a été formidable et je l’embrasse fort. Que serais-je sans elle?
C’est bon vous pouvez sortir les mouchoirs et refermer votre tablette !

Ultra Trans Aubrac 105 kms solo : récit

Ce post va être assez long. Mais je vous en donne la grille de lecture car j’imagine que les lecteurs ne sont pas intéressés par son contenu in extenso. Je sais je sais, j’ai pour habitude de vous livrer un récit linéaire de mes courses qui sont trop longs (et parfois indigestes) mais en fait je l’écris surtout pour moi-même pour me souvenir plus tard. A moins que je ne l’écrive pour mes petits-enfants (que je n’ai pas encore) pour qu’ils se rendent compte qu’à notre époque nous devions nous déplacer et donner de notre personne pour vivre ces épreuves alors que nos progénitures pourront vivre virtuellement n’importe quelle aventure comme l’ascension de deux fois l’Everest en restant confortablement assis dans un canapé grâce aux puces produites par Google implantées dans leur cerveau. On appellera cela la réalité virtuelle augmentée… En fait j’ai besoin d’accoucher sur le papier assez rapidement mes sensations de course car lorsque je les relis beaucoup plus tard je redécouvre totalement la course. La mémoire a une telle capacité d’oubli, de sélection, que je me dois de tout graver dans le marbre assez vite. Le cerveau efface d’ailleurs plutôt les sensations d’effort, de souffrance pour ne garder que les bonnes. Et ce processus s’effectue dans un laps de temps plutôt rapide. Jujez en plutôt : Le soir de la course, dans le gymnase d’arrivée, vautré sur une chaise de laquelle je n’arrive pas à m’extraire, perclus de courbatures je me dis que “le Trail ce n’est pas pour moi, que le prochain prévu à Verbier en juillet est compromis, qu’il va falloir annuler”. Quant à celui de l’Aubrac je me dis que “c’était le premier et le dernier”. Et après une bonne nuit de sommeil le matin au réveil je me dis : “C’était vraiment le pied, C’est quand le prochain ?”. Ce processus est probablement le fruit de la sélection naturelle. Si nous n’avions pas ce processus, ce mécanisme d’oubli de la souffrance, impossible pour l’homme d’aller affronter une nouvelle fois le danger, il serait resté dans sa caverne et aurait péri définitivement.

Bon retournons à mes moutons ou plutôt aux vaches de l’Aubrac à la belle robe marron. Je résume : pour les lecteurs qui ne sont pas intéressés par le témoignage de la course en tant que telle c’est à dire le déballage de mes émotions, le sang, la sueur, et les problèmes intestinaux intempestifs, mais qui sont plutôt attirés par le côté analytique et le fruit de mon cortex cérébral alors je les invite à passer directement à la fin du récit pour les aspects réflexions sur la nutrition / analyse de performance / matériels etc… Quant aux autres accrochez vous, l’Ultra c’est long et on attaque maintenant.

Préambule :

Janvier 2015 : une envie subite de m’inscrire à un Trail de montagne. Je jette mon dévolu sur celui de la X-Alpine Verbier Saint Bernard : 111 kms et 8000 D+. Mais je me dis qu’il faudra un “petit” trail pour me faire les jambes. Et là je tombe sur celui de l’Ultra Trans Aubrac 105 kms et 3600 D+. Et comme j’adore cette région, que cela colle bien à mon agenda, je m’inscris. Voilà comment je me retrouve là.

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Le Récit de l’Ultra Trans Aubrac 105 kms / 3600 D+

Réveil à Paris à 5h45 heures du matin, direction Orly. Je n’arrive pas à m’assoupir dans l’avion. Atterrissage à Rodez à 10h30. Après la visite de la ville sous un magnifique soleil je déjeune au café Bras, visite le musée Soulages (cela vaut le coup), goûte au café Bras (encore, mais on dit de moi que je suis un vrai pilier de salon de thé) et puis je me dépêche pour arriver après 40 minutes de voiture dans le joli village de Saint Geniez d’Olt vers 17h30.

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Je m’installe dans un hôtel avec une vue imprenable sur le Lot, dépose des affaires puis reprends la voiture pour aller à Bertholène pour le retrait des dossards situé à 30 minutes de route. Retour à Saint Geniez d’Olt qui sera le village d’arrivée de cet Ultra. En fait je suis inquiet de n’avoir pas eu le temps de faire une sieste. En effet il est prévu de prendre une navette à 4h30 du matin pour convoyer les coureurs à Bertholène qui est le lieu du départ. Donc pas de moment de repos comme prévu faute de temps, néanmoins je me retrouve dans mon lit assez tôt à 21 heures (record du monde pour moi depuis 20 ans) après avoir avalé une barquette de frites (très rare également). Cela dit, me coucher à 21 heures ce n’est pas vraiment mon heure. Et à minuit… je n’ai toujours pas fermé l’œil. Je n’arrête pas de me tourner et me retourner. L’adrénaline a déjà commencé à monter et donc s’endormir va devenir une affaire de plus en plus compliquée. Je décide de me lever pour manger une des pâtisseries que j’ai préparée pour la course (des financiers). Je lis le dernier Zatopek qui donne des conseils sur le renforcement musculaire adapté aux traileurs. Je n’ai jamais effectué les exercices indiqués et il est probablement un peu trop tard pour les mettre en application à 5 heures du départ. Finalement je vais enfin m’endormir vers 1 heure du matin pour un réveil spontané à 3h05. Une nuit blanche aurait été désastreuse, en revanche le fait d’avoir au moins validé le premier cycle de sommeil (le plus important et le plus réparateur) n’est pas si mal. Et puis j’ai lu le livre du grand marathonien Meb Keflezighi qui indique lui-même qu’il dort très très mal la veille d’un marathon et notamment celui de Boston qu’il a remporté. Alors si j’ai eu une nuit aussi pourrie que celle de Meb je me dis que c’est vraiment de bon augure pour la suite. Après 2 heures de sommeil, l’excitation aidant, je suis sur les startings blocks, frais comme un gardon ! Je file en voiture vers le lieu de départ de la navette. 4h30 : départ de la navette qui est bondée de coureurs. J’essaie de m’assoupir en vain. De toutes manières je suis souvent malade en voiture alors dans un bus qui prend des virages serrés c’est pire, vivement l’arrivée pour éviter de dégobiller ma bile sur mon voisin. Oui de la bile, car mon estomac est vide, en dehors de mon financier nocturne je n’ai rien d’autres dans le ventre, et en dehors d’un bol de thé je n’ingurgiterai rien d’autre avant le départ. J’ai besoin de me sentir léger et de ne pas perturber ma digestion.

Enfin, nous arrivons à Bertholène à 5 heures du matin. Nous attendons dans une salle des fêtes. Il faut tuer le temps jusqu’à 6 heures. J’observe mes collègues traileurs dont certains sont super balèzes. Il y a même un type impressionnant qui aurait pu être la doublure de l’acteur jouant Superman…mais en mieux ! J’ai l’impression de ne pas être à ma place. C’est la première fois que je suis inscrit à un Ultra (i.e. course avec une distance supérieure à 100 kms) et en discutant avec certains je m’aperçois que leur palmarès (UTMB, UT4M, Les Templiers) est à des années lumières du mien. Et lorsque l’on me demande « Et toi tu as couru quoi ? »… C’est avec quelque embarras que je réponds « euh et bien les 5 dernières SaintéLyon », on me regarde d’un œil un peu narquois, surtout Superman qui n’a pas eu besoin de me passer sous les rayons X pour apprécier la faible menace que je pouvais représenter pour lui en terme de rang au classement final.

Le speaker nous annonce qu’il devrait y avoir des orages mais que la météo s’améliore d’heure en heure et qu’en fin de journée cela devrait se découvrir. La météo je la connais par cœur pour avoir fait des checks compulsifs sur smartphone tous les jours depuis une semaine sachant pertinemment que jusqu’à J-2 cela ne sert à rien…. Je dépose mon  « sac de change » (sac poubelle avec des vêtements de rechange que je pourrai récupérer au ravito de Laguiole au Km 54) et fait checker mon matériel obligatoire auprès de l’organisation. Procédure obligatoire avant de se faire badger pour initialiser la puce du dossard.

Il est 5h45, il est temps de monter au pied du château en ruine de Bertholène (distance non incluse dans les 105 kms). 6 heures, le château s’embrase, feu d’artifice, une musique retentit et c’est parti.

Etape 1 : du château de Bertholène à Saint Côme d’Olt (22 kms)

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Et cela part très vite, je ne comprends pas bien. Il faut noter qu’en plus des 222 coureurs de la course solo 105 kms il y a également 75 autres coureurs sur le format « 4 relayeurs ». Ces derniers ne courent donc pas la même course et filent à un autre rythme pour tenir 22 kms jusqu’au prochain passage de témoin à Saint Côme.

Ce premier parcours est très roulant. Le sentier est très sec. La cohorte de coureurs illuminant le chemin avec les frontales n’a rien à envier au ballet de lumière de la SaintéLyon. C’est parfois superbe. Superman vole et me double en un éclair de cape, je ne le reverrai plus.

Ma stratégie hyper poussée est la suivante. Ne pas dépasser les 80% de FC Max, en aucun cas même dans les montées (surtout dans les montées puisque c’est là que les pulses montent). Et surtout prêter attention dans les plats, descentes et faux plats à bien rester dans le range 70 / 80%. Et surtout arriver à Saint Côme frais comme un gardon. Cette première étape de 22 bornes doit être une étape de mise en chauffe, rien de plus.

On sent que le jour se lève, j’entends le son du coq. Finalement assez vite il faut ranger la frontale qui ne sert plus à rien. Et dans le rangement du sac je vais perdre mon bonnet Gore, point important pour la suite car c’est ce bonnet qui me protège des intempéries. Alors comment je me sens après ces 2 heures de sommeils ? Plutôt en forme si ce n’est que mes intestins me font assez mal. Je serai contraint de m’isoler de la course à trois reprises….

A noter dans ma « Short Liste Trail » : Ne plus manger de frites la veille d’une course !

Et j’arrive très relax au premier ravito de Saint Côme qui est un magnifique village sur le chemin de Saint-Jacques.

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Saint Côme d’Olt (premier ravito en vue). Photo de Fabrice H.

 

J’ai un rituel rodé pour me restaurer lors des ravitos : je ne prends que deux substances.

du Coca aveyronnais (3 gobelets) et 1 banane : c’est tout !

Je remplis ma poche a eau, laissée vide depuis le départ, d’environ 0.5 l de Coca aveyronnais. Oui je n’ai rien bu depuis mon gobelet de thé à Bertholène mais je me connais assez bien coté hydratation, je peux courir 3 heures sans problème sans boire en courant à une faible intensité, et il ne fait pas chaud du tout. Remplir une poche à eau c’est vraiment l’enfer, cela me prend du temps. Mes vêtements dans mon sac prennent trop de place. Finalement mon temps d’arrêt à ce ravito est de 10 minutes. Je peste trouvant que c’est trop long. Je ne me doute pas encore du temps que je vais laisser sur le prochain…

A noter dans ma « Short Liste Trail » : Se débarrasser de sa poche à eau et utiliser des flasques !

Pointage à la sortie du premier ravito Saint Côme d’Olt au km 22 après 2h 55min de course / 148ième au classement général.

Etape 2 : de Saint Côme d’Olt à Laguiole (30 kms)

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Départ de Saint Côme d’Olt à 9 heures. Le village qui est sur le chemin de Saint Jacques est magnifique mais pas le temps de contempler. On attaque tout de suite une montée. Et puis au bout d’un moment je m’aperçois qu’il n’y a plus de balises. Je me retourne, il y a deux coureurs qui ont eu tort de m’avoir suivi. Et il faut se rendre très vite à l’évidence, nous nous sommes égarés. Il faut revenir sur nos pas et accélérer dans la descente pour retrouver le bon embranchement. Bilan : 10 bonnes minutes de perdues, et un petit coup au moral d’avoir encore gaspillé du temps et de l’énergie pour rien.

Il y a beaucoup de sentiers en sous bois, des descentes assez sévères mais surtout de la montée. On passe devant l’abbaye de Bonneval célèbre pour ses chocolats (pas vraiment high quality) vendus assez chers (pour ce que c’est) et en général distribués dans des magasins souvent caractérisés par une atmosphère très relaxante sous un fond de musique religieuse, de parfum d’encens et tenus par un vendeur ressemblant à un gourou de sectes. Enfin bref, peu importe, l’abbaye est belle. On n’a pas le temps non plus de visiter, il faut tracer. C’est sympa les trails car le rythme de marche, petit trot, permet de discuter avec les autres coureurs. Alors au classement/hit parade des sujets de conversations abordés durant un trail figurent en tête : les chaussures et notamment la marque Hokka One One (super chaussures) et également le « Trail des Templiers » (“magnifique départ, mais beaucoup trop de monde”).

Donc durant un trail on tape la causette au début de l’épreuve… après c’est un peu plus compliqué.

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Les sentiers longeant les prés aux vaches de la première partie du parcours. Photo Fabrice H.

 

Revenons à l’étape.

Tout se passe bien jusqu’à ce que le tonnerre gronde, l’orage éclate, pluie, grêle se mettent de la partie pendant près d’une heure. Les chemins deviennent boueux. En général quand il y a un peu de boue sur un sentier, on se contorsionne pour la contourner. Mais dans le cas présent les sentiers deviennent totalement impraticables avec d’un côté du fil barbelé clôturant le champs, à droite un mur d’arbre et au milieu un torrent de boue devenant le seul espace pour avancer. Alors on ne fait plus le difficile pour essayer de les éviter. On y va gaiement en ayant de la boue jusqu’à mi mollet. Dans un premier temps courir sous la pluie, le déchaînement des éléments, a quelque chose d’assez exaltant, il faut l’avouer. Le problème c’est quand vous vous rendez compte que vous êtes trempés jusqu’aux os (d’autant que j’ai perdu au début du parcours mon bonnet Gore). Avec la grêle j’ai l’impression de recevoir des hallebardes sur le crâne. En fait les conditions météo sont telles que je me demande si l’organisation n’est pas susceptible d’arrêter l’épreuve. Beaucoup de concurrents courent avec des bâtons en métal qu’ils enfoncent dans le sol…est-ce des paratonnerres portables ?

sentier pierre et boue
Cela commence à bien glisser. Photo Fabrice H.

 

Laguiole approche et franchement je prends un gros coup au moral. Je me vois en train d’expliquer à mes proches les raisons de mon abandon, à écrire mon récit de course et notamment les conditions dans lesquelles j’ai décidé pour la première fois de jeter l’éponge (mouillée comme il se doit…OK jeu de mot facile). Je parle à un coureur que je croise en lui disant qu’il faut garder le moral et lui de me répondre « je ne l’ai plus ». C’est étrange mais sa réponse me met un grand coup sur la nuque. Cela m’impacte. Nous entrons dans la commune de Laguiole pour son ravito. Les bénévoles qui protègent le parcours aux intersections avec les routes sont emmitouflés dans des capes avec des parapluies. Un passant me lance : « c’est sûr c’est plutôt un jour à rester chez soi à regarder un match. »

J’entends les sirènes (je parle des créatures avec une queue comme dans Ulysse…pas des alarmes 🙂 qui me soufflent d’abandonner avec une mélodie enchanteresse , je m’imagine prendre une douche bien chaude, je suis tenté d’en finir… Et j’arrive dans le gymnase du ravito sous les « bravo !!! » de quelques supporters. Et là le spectacle est assez effroyable. Une dizaine de coureurs totalement rincés et éprouvés essaient de se changer, le regard complètement dans le vide, certains sont immobiles, exténués. Et moi je ne sais pas quoi faire. Je bois mes trois gobelets de Coca aveyronnais, deux bananes car j’ai vraiment la dalle. Et puis je m’empare de mon sac de change sans grande conviction, sans savoir si je donne suite. Il y a une navette qui part dans 5 minutes pour Saint Geniez d’Olt : je la prends ? Cela dit je suis heureux de trouver dans mon sac de change une boîte de financiers (équivalent de 7 grosses madeleines), un rocher au chocolat praliné d’Yves Thuriès. J’avais oublié que je les y avais glissées. Et là je viole mon plan de marche nutritionnel, je ne respecte pas ce que j’avais prévu sur ma prise alimentaire. J’engloutis de manière compulsive cette nourriture comme pour avoir du réconfort, sans apprécier…je dévore ou plutôt boulotte. J’enlève avec difficulté mes vêtements. J’ai besoin d’aide. Une charmante personne (un monsieur quinquagénaire) à qui j’offre un financier me donne un coup demain. On discute un peu, il est traileur mais n’a pas pu s’inscrire et encourage un ami. Il m’aide à mettre mes vêtements secs car je ne peux le faire tout seul car j’ai les muscles tétanisés. Néanmoins le côté réconfortant des vêtements secs me fait un bien fou. Et miracle j’entrevois par la porte du gymnase qu’il s’est arrêté de pleuvoir. J’ai beaucoup de gratitude pour ce monsieur (ange gardien). Je lui dis que c’est finalement grâce à lui que je repars. Je vais me faire badger en disant à l’organisation « OK je repars ! » Il se sera écoulé près de 30 minutes dans ce ravito.

Pointage à la sortie du deuxième ravito de Laguiole km 52 après 8h 10min de course / 77ième au classement général (gain de 71 places)

A ce ravito j’apprendrai plus tard qu’il y a eu 26 abandons soit 43% du total des abandons (49 en fin de course).

Etape 3 : de Laguiole à Burons des Bouals (20 kms)

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En sortant du ravito je claque des dents. Je n’avais pas conscience de m’être à ce point refroidi. Mais je sais qu’en courant ma température corporelle va remonter. D’ailleurs le parcours nous redonne l’occasion de nous réchauffer en nous faisant passer dans une des forges des couteaux Laguiole, où l’on passe devant un très bruyant atelier où un employé devant est en train d’aplatir un fer rougeoyant à l’aide d’un énorme masse. Ce clin d’œil est assez sympa. On ressort très vite pour initier la montée en direction des plateaux de l’Aubrac. Je suis remis en selle. On reconnaît au loin le fameux restaurant triplement étoilé de Michel Bras surplombant une pente. Malheureusement cette année pas de ravito surprise concocté par le chef pâtissier comme l’année précédente. Tant pis…

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Hauts plateaux de l’Aubrac. Photo Fabrice H.

 

Je vais traverser la plus belle partie de ce Trail. Les chemins de campagnes boueux sont loin derrière nous désormais. A nous les fameux paysages d’alpage, les plateaux pelés et énigmatiques de l’Aubrac. C’est magnifique et c’est pour contempler tout cela que je me suis inscrit. Le ciel est plombé mais la magie de ces grands plateaux demeure. Ah petit pépin, mon téléphone portable a pris l’eau et ne fonctionne plus, je ne peux pas prévenir Laetitia que tout est OK. Cela ne fait que grimper jusqu’à la station de ski de Laguiole. Le sol est assez agréable pour courir. Je suis quand même un peu indisposé en raison d’un estomac très très lourd, bien lesté du fait des financiers que j’ai boulotés à Laguiole. Las je regrette de n’avoir pas pu me contrôler lors de cette fuite en avant. C’est d’autant plus dommage que je me fais vraiment plaisir à contempler le paysage. Cette partie du parcours se traverse comme un enchantement, l’envie d’abandon n’est qu’un très lointain souvenir. Et finalement j’arrive au ravito suivant – le Buron des Bouals – où l’on pointe tout de suite la puce de mon dossard.

Pointage à l’entrée du ravito du Buron des Bouals km 73 après 11h 05min de course / 54ième au classement général (gain de 23 places)

Les bénévoles nous accueillent pour le « ravito surprise » de cette année. Le ravito est composé de spécialités locales bien roboratives : des canapés de terrine, des tripoux, une soupe chaude. Or je viens d’avaler mes trois gobelets de Coca aveyronnais…et j’ai une grosse envie de vomir. Alors les tripoux et canapés, cela risque de ne pas le faire du tout. Je quitte immédiatement le ravito soit un arrêt express de 2min 30s.

A la sortie un panneau nous indique qu’il reste 28 kms. Je me dis que c’est gagné et que cela ne va être qu’une formalité. Je fantasme en train d’arriver avant la tombée de la nuit devant une foule en délire le long du Lot à Saint Geniez d’Olt. Je suis en fait complètement à côté de la plaque, ce n’est pas du tout ce qui va se passer. Mais le désenchantement n’est pas pour tout de suite. Il va s’écouler énormément de temps avant d’en prendre conscience.

Etape 4 (le final) : du Burons des Bouals à Saint Geniez d’Olt (29 kms)

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Cela pourrait s’intituler un « Ultra Trail sans fin ». Je ne sais pas encore qu’il me faudra encore 4h30 de course d’ici l’arrivée. Mais il vaut mieux pour moi que je reste dans l’ignorance. La première partie est encore magnifiquement belle. Après avoir traversé Aubrac (le village) nous initions une légère descente. Il reste quelques kms d’alpages et de plateaux avant de regagner des sentiers de sous-bois. Je m’accroche au rythme d’un autre coureur (Fabrice H.). Parfois je suis devant (rarement) et parfois je le colle aux basques (très souvent). Dès qu’il se met à courir je me mets à courir. Dès qu’il s’arrête, je m’arrête aussi. On ne se parle pas. On est dans la même galère, silencieux. Je n’ai pas vraiment la force d’initier une conversation. En revanche je lui demande selon lui combien il reste de kms. « Je ne sais pas, je n’ai pas de GPS , je dirais qu’il reste environ 20 kms » « Donc cela nous fait au moins 3 heures ». Le paysage change on retombe dans des sous-bois, on passe devant une grande cascade. Parfois il faut traverser des rivières. Sur la traversée de l’une d’elle je glisse et me mouille jusqu’à la taille. Le rythme est de plus en plus lent, cela ressemble à un trek. A travers le sous-bois on aperçoit des rayons de soleil, la température est montée puisque nous ne sommes plus à la même altitude. Mes quadriceps ne peuvent plus encaisser les descentes lors d’efforts excentriques. J’ai mal à chaque impact. La sensation d’avoir de la limaille de fer entre les fibres musculaires. Je préfère encore les montées. Même si ces dernières sont parfois très raides. A titre de comparaison la montée des aqueducs de Beaunant (montée célèbre sur la fin de la SaintéLyon) c’est juste de la ballade. Ici les montées sont encore plus raides et sur une surface en terre, on est parfois contraint de mettre les mains pour conserver son équilibre et ne pas chuter.

A chaque croisement d’une route en bitume je demande aux supporters : « combien de kms reste-t-il ? » Or les réponses ne sont pas cohérentes entre elles. Les kms s’égrènent lentement, cela n’en finit pas…alors que je suis fini.

Coup de stress sur les tous derniers kilomètres

Il est temps de remettre la frontale. On court dans un sous-bois où il fait nuit noire. Fabrice H me dépasse et me lâche alors que je suis en train de perdre des plombes à ranger mon sac. Je vais donc terminer seul. Je traverse une route où il est inscrit sur le bitume : Courage il reste 4 kms ! Je cours tout seul le long d’une rivière. Il y a des marquages fluo roses fixés sur le tronc des arbres. Mais je m’inquiète car cela fait maintenant trente minutes que je cours à vive allure et je ne vois toujours absolument pas la lumière de Saint Geniez d’Olt alors que je devrais y être depuis un bon moment. Aucune lumière de frontale derrière moi, aucune lumière devant moi. Je pense m’être trompé de direction, je suis perdu. Mon portable qui a pris l’eau sous l’orage de grêle ne fonctionne plus pour éventuellement appeler le numéro d’urgence. Je ressens un coup de stress, un vrai coup de flip. Je perds les pédales. Je sens l’adrénaline monter ce qui a au moins l’avantage de me faire courir plus vite sans ressentir aucune douleur, je dois être à au moins 11 kms/heure sur un sentier en terre battu sèche. Je cours, je cours… trop tard pour revenir sur mes pas il s’est écoulé trop de temps surtout qu’il y aurait une côte à gravir et que je n’en ai pas la force. Je suis à la limite de l’affolement. On se calme, on se calme, on se calme…. pourtant j’ai les pulses au plafond, la trouille, et après de longues minutes dans ce noir impénétrable….miracle je vois une lumière de frontale au loin. C’est celle de Fabrice H. Finalement j’étais sur le bon chemin. Yeeessss. Le soulagement, comme si je venais de franchir la finish line ! “Alors tu es sur que nous sommes sur le bon chemin ? Il n’y a pas 4 kms ce n’est pas possible on s’est planté, aucune lumière à l’horizon !” Fabrice H me répond “Mais non c’est bon je reconnais la fin, je l’ai déjà courue il y a deux ans, on va arriver d’un seul coup dans le village”.

Nous apercevrons effectivement une première maison de Saint Geniez d’Olt. Il reste un tout petit km. Il n’y a pas beaucoup de lumière, absolument personne pour nous encourager le long du Lot, c’est un peu lugubre. Quelques gamins nous accueillent au moment où le parcours rejoint la route. Il reste 500 mètres avant d’aboutir au gymnase. Des barrières, des circonvolutions sur un parking et enfin nous pénétrons dans l’énorme gymnase éclairé qui contient une bonne centaine de personnes (bénévoles, coureurs atablés). On se claque dans les mains avec Fabrice sur la toute dernière ligne droite.

C’est fini, on se fait badger au pied du podium. Fabrice et moi-même sommes finishers en 15h37min respectivement à la 47ième et 48ième place au scratch.

“Le bonheur, si je veux ?” Bien sûr qu’on s’en empart, et le TShirt de Finisher avec, on l’a bien mérité non ?

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Grégo et Fabrice H. A ce moment je ne sais pas encore comment mon compagnon de route se prénomme.

 

 

Epilogue : après le podium de remise des Tshirt de finishers, je pose la question à mon compagnon de fin de course. “Comment tu t’appelles?” “Fabrice.”… “Enchanté, moi c’est Grégory, félicitations, on a bien couru c’était bien”.

 

Quelques réflexions / pêle-mêle :

 

  • Le chrono / la performance

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Je termine 48ième sur 173 finishers (soit 28%) parmi 222 coureurs qui ont pris part à la course (taux d’abandon de 22%).

J’ai couru à une allure de près de 9 min / km soit une vitesse de 6.7 Km/heure. Il me semble que la marche c’est presque 5 km/heure. Donc j’ai couru cet Ultra Trail à une vitesse proche de celle de la marche. Certes il y a eu un cumul d’arrêt ravito de 40 minutes sans compter les innombrables arrêts de type, j’ouvre mon sac, je range mon sac, je vais aux toilettes dans la nature, et puis dans les montées on marche. Et j’en arrive à mon point deux.

 

  • L’Ultra Trail avec du dénivelé c’est comme un Trek pour les uns et une “vraie” course pour les champions ?

On peut se poser la question. Le premier a terminé l’Ultra Trans Aubrac en 10h 59min (allure de 6min16s / km) ce qui est extraordinaire et constitue une “vraie allure de course à pied”. Mais il y a déjà une vraie cassure avec le 20ième au classement qui arrive 3h 32min après le vainqueur (allure de 8min 20s). Il y a un monde un fossé entre l’élite et les coureurs du ventre mou. On ne fait pas la même course.

Finalement le rythme de trail “des coureurs tout venant” comme moi se rapproche beaucoup plus d’un Trek

 

  • Le Trail est une épreuve spécifique qui nécessite un entraînement spécifique :

Ce qui m’a beaucoup pénalisé sur cette course c’est ma trop faible préparation à descendre. Mes quadriceps ont commencé me faire souffrir dès le trentième, et ont commencé à me ralentir très sensiblement dans les descentes après le Burons des Buals (après 75 kms). Lorsque je dis très sensiblement cela signifie que chaque pas dans une descente était à la limite du supportable pour moi. Je ne pouvais pas m’élancer dans une descente, sur la défensive, ce qui est pire puisque cela accentue encore plus la charge et les traumatismes. Les quadriceps dans une descente luttent contre la gravité et travaillent en excentrique. Or travailler les quadriceps en excentrique ne peut se faire qu’en descente (ou en faisant des squat ?). Force est de constater que je n’tais pas suffisamment préparé. Pour une SaintéLyon passe encore ; le D- est seulement de 1900 mètres mais au-delà de ce cumul cela requiert un vrai travail. J’étais beaucoup trop juste pour ce 3600 D-. Mais pour la X-Alpine que je cours en juillet il y aura 8600 D- ! Mon terrain de jeu que sont les Buttes Chaumont est un peu juste pour se faire. Il va falloir que je trouve une solution à ce problème. Question très importante en suspens.

 

  • Matériel :

Mes chaussures Mafate Speed de Hoka one One : Que serais je sans elles ? Ces chaussures m’ont permis de protéger mes « coussinets » des innombrables impacts (cailloux, pierres) auxquels on fait face notamment dans les descentes où les chocs peuvent être très traumatisants si l’on n’est pas suffisamment armé. Surtout laisser tomber les chaussures « minimaliste » au risque de ne pouvoir parcourir qu’un nombre minimaliste de kilomètres sur un Ultra.

Préférer des flasques à une poche à eau :  la poche à eau prend trop de temps remplir et à remettre dans la sac.

 

  • Nutrition :

Une barquette de frite la veille au soir.

Un financier à minuit.

Un demi gobelet de thé avant le départ.

3 gobelets de Coca aveyronnais à chacun des trois ravitos (9 au total)

0.5 litre de coca dans la poche à eau

Total boisson Coca ingurgitée durant la course = 2.5 litres de boisson (1050 Kcalories)

A chacun de trois ravitos j’ai mangé l’équivalent de 1.5 banane = 4.5 bananes (400 Kcalories)

1 caramel (100 Kcalorie)

6 gros financiers ingurgités à Laguiole (500 Kcalories)

1 rocher chocolat praliné (200 Kcalories)

Total calories consommés depuis le réveil jusqu’à la fin de course = 2200 Kcalories

Total calories dépensées durant le trail = un peu plus de 8000 Kcalories

Soit un déficit sur le moment de la course d’environ à la louche de 5800 Kcalories. Mais il faut bien avoir à l’esprit que la capacité de notre système digestif à absorber les calories est assez limitée et que l’on est forcement en déficit sur le laps de temps que dure une épreuve de type Trail.

 

  • Etat Psychique durant une course de plus de 10 heures :

C’est un état modifié de conscience.

J’ai une playliste dans la tête qui n’arrête pas de tourner. Il s’agit de deux titres :

Rinzler de Daft Punk (BO de Tron)

Bad Kingdom de Moderat

Ces deux titres / ritournelles m’ont beaucoup aidé à aller jusqu’au bout j’ai dû les passer en boucle des centaines, milliers de fois ? (car ce qui tourne dans la tête n’est qu’une infime portion, quelques secondes, du morceau de musique).

Sur la fin de la course on raisonne avec difficulté. Après le dernier ravito il restait 29 kms. Or dans ma tête j’avais l’impression que j’allais arriver dans l’heure à venir alors que cette dernière portion a finalement duré des plombes. Dans les faits elle a duré 4h 34min et dans ma tête elle a été infinie. Dilatation du temps ?

Comme je l’ai dit dans le récit, le cerveau a une capacité d’oubli très efficace et probablement très utile pour la survie de l’espèce.

A la fin de la course je me dis : « ce type de trail est trop difficile, ce n’est pas pour moi ». Dimanche matin après une nuit de sommeil : quand a lieu la prochaine édition ? Vivement que je m’inscrive à la prochaine !

A suivre…