Récit de course : Marathon de Berlin 2022 / Breaking through 3h25

Prélude :

Il s’agit de mon quatrième marathon de Berlin consécutif.

Après les 3h 26min de Berlin 2015,

Après les 3h 27min de Berlin 2016,

Après les 3h 25min de Berlin 2019,

Il était donc logique que je me fixe pour objectif de casser les 3h 25min et d’enregistrer 3h 24min histoire de compléter la série de manière uniforme. Par ailleurs 3h25 est la limite en dessous de laquelle les coureurs de ma catégorie d’âge doivent franchir l’arrivée d’un marathon si ceux-ci veulent être éligibles à l’inscription (« être candidat » est le terme plus adapté) au marathon de Boston 2024. C’est donc avec une grande motivation que je m’inscris à Berlin dans la foulée de mon Tor des Géants l’année dernière.

Las je ne m’entraîne pas très bien cet été à quelques semaines de l’épreuve. Et plus l’échéance approche, plus je recule à l’idée de courir ce marathon. Si bien que je trouve un prétexte pour ne pas y aller en dégotant l’Ultra Trail Nice Côte d’Azur qui a lieu le même week-end. Et si j’allais dans le Mercantour à la place de Berlin ? Réponse tranchée de ma femme : « Il n’en est pas question ! Tu es engagé à courir le marathon de Berlin, donc tu le courras ». Voilà qui a assez vite clos le sujet et mit fin à mes tergiversations personnelles estivales.

La préparation spécifique

Il n’y a pas de préparation spécifique si ce n’est que je me conforme exactement à l’entraînement des semaines qui ont précédé mon précédent marathon de Berlin en 2019. A l’époque j’avais notamment effectué 7 sorties de 21 kms à 5 heures du matin. Et cette année ce sont bien 7 sorties de 21 bornes sur 7 jours consécutifs que je cumule à une semaine du marathon. Or je note que mes sensations et notamment le chrono sont en assez en deça de ce que j’ai réalisé en 2019. A partir de ces données d’entraînement un simple calcul de règle de trois et j’aboutis à une « fair value » de 3h31 minutes au marathon donc assez éloignée de mon objectif « moins de 3h25 ». Bref, peut être que l’estimation d’un chrono n’est pas aussi mathématique que cela. Mais ce n’est pas très bon pour mon capital confiance.

Prélude

Mercredi 21 septembre 2022, J-4 avant le marathon de Berlin

C’est la première journée OFF (je ne cours pas ce matin) que je m’accorde après avoir couru ces fameuses 7 séances matinales (de 5 à 7h du mat) consécutives de 21 kms.

Je suis frais comme un gardon après m’être levé à 7 heures. Il est 7h15, Je viens d’acheter le pain à la boulangerie, je remonte l’escalier et tout d’un coup je ressens un violent coup de poignard dans les lombaires. J’ai encore très mal en arrivant chez moi. Je dois me rendre à l’évidence, ce n’est pas une douleur qui passera comme cela en quelques minutes, c’est le type de douleurs qui prendra plusieurs jours à s’estomper. Je marche toute la journée comme un vieillard. Le passage de la position assise à la position debout me fait mal, marcher me demande de me contorsionner pour ne pas rendre plus aigue la douleur. Bref à J-4 du marathon j’ai donc le moral au plus bas le soir venu. Mon objectif de « breaking through 3h25 » s’était déjà envolé comme on l’a vu plus haut. Et maintenant je fais le douloureux constat que ce lumbago pourrait bien mettre un terme à ma participation au marathon lui-même.

Cela dit à Berlin j’irai, quoiqu’il arrive.

Berlin : la ville d’Histoires

Berlin, c’est mon quatrième marathon de Berlin consécutif. Pourquoi ?

Berlin n’est pas belle non, mais elle impressionne au sens étymologique du terme. Oui cela laisse une trace de s’y frotter, de s’y intéresser.

J’aime cette ville bien au-delà de son marathon. Une ville d’Histoires, celles des manuels de cours d’histoire/géo, de cours d’allemand au collège et lycée, celles des films sur la seconde guerre mondiale, la guerre froide, celles des reportages télé.

Berlin m’évoque tout cela et beaucoup plus encore…

Reichstag / Nazisme / Juifs / délations / arrestations / déportations / incendies de synagogues / shoah / bombardements / destructions / viols / partage / découpage / secteurs / zones d’occupation / URSS / Berlin ouest / Berlin est / DDR / RFA / RDA / Blocus / Pont aérien / Krouchtchev / Kennedy / chars américains vs chars soviétiques / crises / tensions / le Mur / la Stasi / écoutes / délations / arrestations / emprisonnements / espions / passages à l’ouest / chute du mur / réunification / Bundestag et plus encore…

Berlin, la ville où la réalité a surpassé la fiction dans toute son horreur.

Berlin, la ville que l’on se doit tous d’avoir visité un jour, en pèlerin.

Vendredi 23 septembre 2022

Arrivé dans le nouvel aéroport Brandenburg flambant neuf qui a tant défrayé la chronique pour ses multiples reports d’ouverture (8 ans de retard) et son besoin de « fonctionner à vide avec des vraies fausses valises vides sur les tapis roulants car un aéroport fonctionnel mais qui n’est pas encore ouvert au public doit faire comme si pour être entretenu ». Je regrette celui dans lequel on arrivait avant, l’aéroport de Tegel, qui me faisait tant penser à l’époque des années 70, très vintage. Avec ce nouvel aéroport, je ne suis pas sûr que l’on y gagne au change…au retour le lundi 26 septembre, les services de sécurités seront submergés par les flots des touristes marathoniens comme moi. Cela sera la panique totale chez les employés de l’aéroport et nous serons plusieurs à être à deux doigts de rater notre embarquement.

J’ai pour habitude de loger à l’hôtel toujours dans le même quartier. Celui de la nouvelle synagogue située dans l’ex-Berlin Est. J’aime beaucoup cet endroit, c’est calme, c’est large, authentique, iconique aussi avec cette perspective improbable sur OranianBurger Strasse de la nouvelle synagogue et de la tour de la télévision est-allemande au dernier plan.

10 heures du matin, il est suffisamment tôt pour que j’aille me prendre un cappuccino à The Barn qui est un coffee shop assez typique.

Après avoir cassé la tasse à café de mon voisin de table, et pris en photo le marc de café de la mienne pour la poster sur mon compte Instagram que je n’ai pas, il est temps que je me mette en route pour aller à l’aéroport de Tempelhof pour récupérer mon dossard. Cet aéroport de la démesure (le bâtiment est long de 1230 mètres d’un seul tenant) est historique puisqu’il a été la plaque tournante du Pont aérien permettant aux berlinois de l’ouest de survivre face au blocus imposé par l’URSS en 1948/1949.

Je me rends à Tempelhof à pied et c’est une habitude que j’ai prise, il y a 7 kms de marche (oui Berlin c’est très grand, 8 fois plus grand que Paris). J’aime beaucoup cette traversée qui me prend presque 1h30. Je passe par le fameux Check Point Charlie où il n’y a en soit pas grand chose à voir si ce n’est l’agglutination de touristes qui se prennent en photo parce que c’est…Check Point Charlie.

Et comme je suis un touriste aussi.

Passage de la zone soviétique vers la zone américaine à moins que cela ne soit l’inverse ?

Remise des dossard dans cet énorme hangar de Tempelhof, puis les coureurs font encore la queue, sur le tarmac, pour prendre le maillot de finisher pré commandé (et acheté en sus du prix du dossard à l’inscription). Oui c’est assez surprenant on peut récupérer son maillot de finisher avant même d’avoir commencé la course, comme cela le jour venu pas d’autre choix que de plonger dans la piscine. On doit le courir ce marathon jusqu’au bout car on s’est engagé de facto en s’étant acquitté au préalable du prix du maillot !

A l’intérieur de Tempelhof, le temple de remise des dossards
Un corps de bâtiment long de plus de 1 km, mon grand angle n’est pas suffisant.

En milieu d’après midi je découvre le magnifique quartier de BergmanStrasse dans le prolongement de Viktoria Park dont le nom ne me laisse pas indifférent (comprenne qui pourra). Je retourne dans mon quartier environ 2 heures plus tard, il est 17 heures et j’ai l’estomac dans les talons. Je prends une assiette salé dans mon petit troquet préféré sur Tycholsky Strasse dont le nom rappelle le personnage d’un film bien connu ; Kaizer Söze (trouvera qui pourra).

A 17 heures j’ai faim ! Vite au Kaizer Söze

Je retourne à l’hôtel mais je ne peux pas rester en place malgré mes 15 bornes de marche à pied, je vais refaire 8 kms pour aller au restaurant dont ma réservation est à 21h45 près du quartier de Tempelhof (encore). Je vous avoue que j’en reviendrai par le métro sur les coups de 23h30.

Samedi 24 septembre 2022

Je me réveille à 7 heures pour ma traditionnelle séance de course à pied en endurance fondamentale et mode touriste, histoire de voir si mes lombaires me font toujours mal. Cela passe ou cela casse. C’est l’heure de vérité.

Et après 45 minutes de sortie, j’en conclu que cela passe. La douleur est toujours présente à froid mais c’est supportable et je l’oublie durant ma sortie ce qui est de bon augure pour le lendemain. J’ai même la surprenante sensation d’avoir de bonnes sensations !

Passage devant la fameuse porte durant la sortie de reconnaissance la veille de la course.

La journée qui précède le marathon de Berlin est toujours organisée de la même manière. Elle doit conjuguer ballades / arrêts dans au moins trois endroits sympas pour bruncher (oui 3 fois) et elle se termine à 19 heures au Starbuck de la Porte de Brandebourg non pas pour y faire bombance mais pour terminer mon chargement en sucre et glycogène en prenant mon traditionnel Latte Vanille et cake au citron. C’est le rituel appris lors du marathon de Chicago, et cela m’avait si bien réussi que j’ai réitéré lors des 3 marathons de Berlin qui ont suivi : « marathonien cherche désespérément un Starbuck comme à Chicago référençant un Vanille Latte et un cake au citron ». J’avais attribué la pulvérisation de mon record personnel au marathon de Chicago par cet apport énergétique de la veille. C’est une chance finalement d’avoir franchi la porte d’un Starbuck à Chicago, j’aurais pu tomber sur un restaurant beaucoup moins conventionnel (un restaurant tibétain ou afghan et là…c’était pas gagné d’en trouver un à Berlin).

Bien entendu cette fois j’ai bien précisé au personnel du Starbuck qu’il fallait me servir un café décaféiné dans le Vanilla Latte. Oui, je l’avoue, il m’a fallu des années pour comprendre pourquoi en 2019 j’étais toujours éveillé à 1 heure du matin la veille de mon précédent marathon. Merci Andrew Huberman (il se reconnaîtra) pour avoir évoqué l’effet de la caféine sur le sommeil dans un podcast. Depuis cet été je m’interdis de prendre de la théine ou caféine après midi.

A noter que mon Starbuck pit stop m’a non seulement fourni l’énergie nécessaire pour passer la nuit mais m’a aussi offert une vue imprenable sur la porte de Brandebourg.

De retour à l’hotel je m’endors à 21h30 ! C’est du jamais vu avant un marathon…ni chez moi non plus.

Dimanche 25 septembre 2022 : JOUR J

C’est l’instant de vérité, on n’a jamais été aussi proche de l’échéance.

Le matin d’un marathon je n’en mène pas large en général. Mais cette fois c’est avec un grand plaisir que je me rends aux sas de départ. Je connais le rituel, toujours le même et cela me met en confiance. J’ai très envie de participer à ce marathon, je n’ai aucune appréhension et c’est la première fois que cela m’arrive. La température est plutôt douce, un peu trop. Je suis dans le sas D, celui qui partira en même temps que les élites…mais avec au moins 5 minutes de plus pour franchir la ligne de départ et 1h30 pour la ligne d’arrivée.

Il me faut moins de 20 minutes entre l’hôtel et l’arrivée dans le sas. Les petites foulées me permettent de chauffer les tendons et les muscles mais surtout d’admirer le superbe bâtiment du Bundestag que je contourne pour passer les portails de sécurité.

Toujours cette musique entêtante d’Alan Parsons Project à quelques minutes du départ…thème archi connu (et je vous laisserai deviner lequel).

Je suis dans le sas des coureurs qui ont déclaré avoir couru un marathon en moins de 3h30. Je suis impressionné de voir que pas moins d’un coureur sur trois portent « des chaussures à plus de 250 euros la paire ». Les chaussures à plaque de carbone intégrée je les identifie assez bien par leur aspect en biseau au niveau du talon. Quant à moi je reste vintage avec la sensation de porter des tanks au pied. J’arbore mes UnderArmour dont le modèle (j’en ai oublié le nom) ne m’a jamais convaincu, je pleure toujours mes Apollo SpeedForm qui ne sont plus produites avec lesquelles j’avais couru mes quatre précédents marathons. Je vous rappelle que j’attribue mes 4 précédents bons chronos au Vanilla Latte, au cake au citron ingurgité traditionnellement la veille mais également à mes Apollo SpeedForm que j’avais aux pieds.

Et puis je ne sais pas ce qui se passe. Au start gun je ressens une grande émotion indescriptible. Je dois même lutter pour ne pas pleurer au moment où l’on marche en peloton en direction de l’arche de départ.

Top Départ

Le premier kilomètre est en descente sur l’Avenue du 17 juin tel les Champs Elysées mais en plus court. Comme d’habitude cela part assez vite et je suis entraîné par la foule.

Ma stratégie de course est toujours la même. Mon objectif est de terminer le marathon en negative split c’est à dire un deuxième semi couru plus rapidement que le premier. Pour ce faire je dois gérer toute la première partie de course en ayant la main sur le frein (ou le pied c’est comme vous voulez) en ayant un objectif d’arriver à la mi-course en 1h45 ou légèrement moins. Ensuite après le 27 ième kilomètre j’accélère…si je peux.

Comme je l’ai dit à mes proches qui me suivent en direct live : « Si j’arrive au premier semi en plus de 1h45, c’est que cela va mal. En revanche si j’arrive au semi en moins de 1h44 alors cela va mal aller ! » Autrement dit si j’arrive trop vite à mi-course cela signifie que je me brûle les ailes et que les problèmes sont susceptibles d’arriver plus tard. En conséquence pour arriver à la cible de 1h45 au semi il ne faut pas que je cours à une allure plus rapide que 5 minutes / km. Or ce n’est pas ce qui va se passer…

Revenons en à la course.

Je suis surpris d’avoir de très bonnes sensations dès les deux premiers kilomètres. Je checke mon allure tous les km avec ma Polar RCX5 en appuyant sur le bouton Lap. Et force est de constater que je cours toujours trop vite. Cela dit les sensations sont très bonnes, il m’est très difficile de mettre le frein.

Le premier km est couru en 4:50 et je suis très surpris, le deuxième en 4:57 et j’ai pourtant l’impression de ne pas forcer du tout et d’être hyper à l’aise. Les premiers 5 kms sont courus à une allure moyenne de 4:41, je n’ai jamais démarré un marathon aussi rapidement. Je sais que je dois mettre le frein mais c’est difficile car je ne me sens pas « à l’aise » en courant plus lentement.

Je passe les 5 kms suivant en courant à une allure de 4:52, c’est toujours rapide mais je me sens parfaitement bien. La température est excellente, je m’asperge à chaque ravitaillement. Et justement à noter un bug, mon dossard s’arrache et se détache de deux épingles à nourrices en raison de l’eau dont je me suis aspergé le buste. Je mets au moins 1 minute à devoir presque marcher pour remettre deux épingles à nourrices correctement et attacher à nouveau mon dossard. Ne pas paniquer, je prends ma respiration tranquillement, je me calme et je repars !

Km 15 : jusque là tout se passe bien, et plutôt très bien. L’allure est de 4:52 sur les 5 kms parcourus. C’est toujours plus rapide que les 5:00 que je dois cibler mais que je n’arrive pas à atteindre. Je préfère me laisser porter.

L’ambiance le long des trottoirs berlinois est de plus en plus forte. On arrive dans le quartier que je reconnais qui est celui de Tempelhof. Et enfin l’heure de vérité arrive bientôt nous sommes au kilomètre 20 : allure de 4:54 sur les 5 kms précédents.

Le Semi Marathon : l’heure de vérité

DING DONG !

J’arrive au semi marathon après 1:41:49 c’est très, trop rapide ? Je ne suis jamais arrivé au semi d’un marathon aussi vite. Même à Chicago j’étais arrivé en 1:42:05.

« si j’arrive au semi en plus de 1h45 c’est que cela va mal….si j’arrive en moins de 1h44 c’est que cela va mal aller ! » : c’est ce qui me vient en tête à ce moment là.

Tant pis, je me dis que si je dois le payer plus tard et bien on fera pour le mieux.

J’arrive au cœur de ce marathon avec la traversée du quartier de Wilmersdorf qui est l’ex-Berlin Ouest très populaire. Et j’adore cette partie du parcours. Les sensations sont toujours là au 25ièm km (allure de 5:03). On va dire que c’est à partir du km 27 que cela va commencer à aller un peu moins bien.

Et pour cause on attaque un faux plat montant. Qui a dit que le marathon de Berlin est tout plat ??? Dans ma tête c’est à partir de ce km 27 que je me permets de lâcher les chevaux. Or, je commence à ressentir un début de lassitude dans les jambes … et dans tout le corps. C’est la première fois que je ressens le besoin de devoir me relancer. Autrement dit de devoir puiser quelques ressources au fond de moi pour maintenir mon allure.

Les 29 et 30 ième km me rassurent, ils sont courus en 4:47 et 4:41. C’est en légère descente : l’ambiance est à son comble.

J’attaque la dernière partie de ce marathon après les kms 32 et 33 : je commence à être vraiment dans le dur. Je n’arrive pas à entrer dans « la zone ». Je n’arrive pas à retrouver cette sensation d’accélération où je dépasse tout le monde, où psychiquement je me sens dans un état modifié de conscience comme j’ai pu le vivre lors de mes 4 derniers marathons (Chicago et 3 Berlin).

La magie n’opère plus

Non, je dois me rendre à l’évidence. Cet état modifié de conscience où je plane avec la sensation d’avoir mis le turbo réacteur en dépassant tout le monde comme sur un nuage ne s’est pas enclanché cette fois. Je ne vais pas le connaître.

Disons que je prends conscience que je glisse doucement vers un état où je « suis dans le dur ». J’ai besoin désormais à partir du km 34 de devoir taper dans mes réserves d’énergie et de volonté. Je ressens le besoin de fournir vraiment un effort à chaque foulée.

Un supporter sur la route nous clame au moment où je passe à son niveau qu’aujourd’hui est un grand jour car le record du monde du marathon vient d’être battu ! Et forcément nous n’avons aucun mal à deviner qui en est le détenteur. Kipchoge vient de nous devancer en poussant son propre record du monde à 2h 1min et 9s. Et cette nouvelle est plutôt de nature à me divertir et me permet de penser à autre chose qu’à ma souffrance. Est-ce grâce à ses chaussures Nike avec la plaque de carbone qui lui a permis cet exploit ? Quoiqu’il en soit moi je cours le marathon du record du monde qui vient de tomber sans l’aide de carbone. C’est à inscrire dans mon book personnel ça pour mes petits enfants quand ils auront vu le record du monde tombé sous les 1h55 grâce à l’homologation des chaussures à suspensions magnétiques au dessus du sol !

J’adore ce moment du marathon quand on voit défiler les Kms à partir du km 35 (allure de 4:45) car à partir de là l’arrivée est si proche, si loin. En tous cas on n’a jamais été aussi prêt. J’arrive à maintenir une allure tout à fait convenable sans vraiment être capable de ma projeter vers la finish line. Je prends les kms les uns après les autres dans l’ordre dans lequel ils arrivent.

Ah c’est le km 36, j’attends le km 37… km 37 allez encore un coup de collier avant le km 38. Puis c’est le km 39, je ne sais pas si c’est moi ou si c’est vraiment la foule mais j’entends de plus en plus de bruit raisonner j’ai l’impression qu’il y a une montée en puissance de l’ambiance. C’est juste incroyable je ne vis cela que sur le marathon de Berlin. J’ai l’impression que la foule de supporters se fait de plus en plus compact.

Km 40 (allure 4:44), c’est le moment où l’on entre dans le Berlin « moderne » avec de larges avenues c’est nickel propre moderne comme à Disneyland cette Leipziger Strasse : c’est un boulevard pour les finishers. Je me sens propulsé car à partir de maintenant il faut tout, tout donner. C’est un effort « all out ». Cela passe ou cela casse car je ne sais plus si ma carlingue va me lâcher. Je sens des douleurs inflammatoires dans les jambes depuis quelques hectomètres. Je suis sur le point de rupture, le fil du rasoir mais il faut tenir, il faut tenir. Ces deux derniers kms sont les plus longs du marathon. On ne lâche pas, pas maintenant ! A ce même km 40 je regarde mon chrono : je suis halluciné. Je suis dans les temps de Chicago et peux peut-être battre mon record ever ! Il reste 2 kms et quelques hectomètres, il ne faut rien lâcher, j’ai un peu mal aux jambes, je dois piocher piocher pour ne pas décélérer mais là je suis dans le dur au cube pour maintenir une allure de 4:40 ! Et pourtant je vais courir les deux kilomètres qui restent à l’allure la plus rapide de tout mon marathon soit 4:27 et 4:20 respectivement au km 41 et km 42.

Mais justement la perspective de la Porte de Brandebourg au moment où l’on bifurque sur l’avenue Unter den Linden m’apporte une joie indescriptible mais qui n’est pas suffisante pour masquer ou faire oublier que ma carlingue est près d’éclater.

Cela fait mal au km 42, il reste encore 200 mètres

Passage de la porte : il reste environ un peu plus de 200 mètres en légère descente. On perçoit en contre bas l’arche d’arrivée. Je ne respire plus, je suis en apnée. Les poumons vont éclater de toutes manières, les jambes vont se désarticuler. Il reste 50 mètres, j’ai mal à la tête qui va éclater aussi. Je ne contrôle plus rien, tout est en pilotage automatique.

Il reste 50 mètres à peine.

C’est fini.

3h 22′ 04 » et negative split de 1’34 »

C’est mon « personal record » mais peu importe à ce moment là, je suis un peu étourdi, les endorphines et le bonheur m’envahissent.

Marathon de Berlin : à bientôt.

14 réflexions sur “Récit de course : Marathon de Berlin 2022 / Breaking through 3h25

    1. Hello Julien, Merci pour ton retour et surtout intérêt. Je pense que je suis au plafond de verre. Ma fair value c’est 3h20 à tout casser avec le meilleur entraînement du monde et les meilleures chaussures et la meilleure température. Berlin 2024 probablement. L’année prochaine pour mes 50 ans c’est un programme de très longs…. 🙂

  1. azizppu

    Quelle course ✌️✌️ J était plus habitué à lire des CR pour des ultra mais j avoue que celui du marathon est pas mal non plus🤔 merci pour le partage et félicitations pour le PR au passage🙏
    Ce matin j ai eu l impression de courir un marathon 😂😂😂
    A bientôt pour le CR de la Sainte Lyon🤔🤔

    1. Merci Aziz, J’attendais ton commentaire, toi mon plus fidèle lecteur. Content que les récits de courses courtes t’intéressent aussi 😉 Bien entendu tu peux t’attendre au récit de la STL mais avant il y a deux récits qui sont actuellement sous presse bientôt disponible ! Stay connect.

  2. avant tu as les lombaires dans les chaussettes et là pouf tu fais un PR en ne respectant aucune des tes propres « consignes ». Le corps humain est une drôle de machine. J’ajoute que ton entrainement « diesel » est contraire à tous les principes d’entrainement classiques (VMA, fractionné long et court, etc.) et ça me fait toujours me demander ce que tu vaudrais en faisant un « vrai » entrainement au marathon. Si ca se trouve tu vaux un 3:15 ou moins. Tu devrais refaire un test de VMA … ou pas, puisque ca a l’air de marcher (ou courir) comme tu le souhaites. En tout cas (de la part du pote que tu as cramé au Marathon de Chicago parce qu’il était parti trop vite et que tu as su tenir les chevaux), félicitations 🙂

    1. Hello mon Paleophil, Je ne sais pas ce que cela vaudrait de faire un entraînement conventionnel. En tous cas je n’ai pas vraiment la disponibilité, et surtout l’envie de faire cet effort. Ma VAM est de 15.5 calculée sur tapis à deux reprises à plusieurs années d’intervalle selon le même protocole donc cela ne colle pas avec un chrono de 3h15. En d’autres terme je n’ai pas le potentiel génético/métabolico de faire mieux que 3h20 à tout casser !! Cela ne me semble pas crédible malgré le meilleur entraînement du monde. Je pense vraiment avoir exploité 100% de mon potentiel de ce que ma carlingue et carburateur peuvent fournir. Et j’ai déjà cette satisfaction d’avoir tout optimisé…nonobstant un entraînement pas tout à fait adapté je te rejoins. Mais plus grand chose à gratter. La bise !!!!

      1. Effectivement à 80% de VMA ca te fait le marathon en 3:24. Et on dit que le marathon se court en 75 et 80% de VMA. Donc … tu as raison, petit salopard 🙂

  3. Incroyable même avec un lumbago tu bats ton record, Grégo la machine même sur une distance plus courte et plus exigeante comme le marathon.
    Bon je vais tenter la méthode Grégo pour mon prochain marathon c’est sûr histoire de voir si ça marche pour les coureurs moins rapide.

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